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Le blog "langue-bretonne.org"
5 novembre 2022

Christian Troadec veut ouvrir la marche pour l’autonomie de la Bretagne, mais avec qui ?

Carhaix-7  Carhaix-17

Le maire de Carhaix, par ailleurs vice-président aux langues de Bretagne au Conseil régional, était sur un petit nuage, samedi 29 octobre, lors de l’inauguration du Festival du livre. Lors de son intervention, il a rituellement salué les maisons d’édition présentes, ceux qui publient et ceux qui écrivent.

II était ensuite tout heureux de présenter sa ville comme la nouvelle capitale des festivals. Il est vrai qu’après le festival du livre et celui des Vieilles Charrues (qui ne jouent pas dans la même cour cependant), la ville accueillera également le Motocultor l’été prochain : ce dernier a en effet décidé de migrer en 2023 de son fief de Saint-Nolff vers d’autres horizons, en l’occurrence le Centre-Bretagne.

La Catalogne, invitée d’honneur du 33e festival du livre

  • Photo ci-dessus à droite : à la tribune, lors de l’inauguration du Festival du livre, de gauche à droite : Yann Peillet, directeur du Festival, Christian Troadec, Josep Maria Galí Izard, Hervé Hamon, président de la 33e édition, Guilaume Robic, président de Livre et lecture en Bretagne.

En recevant Josep Maria Galí Izard, le délégué du gouvernement de Catalogne en France, à Carhaix à cette occasion, Christian Troadec n’a pas manqué de faire observer que ce n’était pas la première fois que le festival du livre mettait à l’honneur les nations sans état : ce fut notamment le cas de l’Écosse en 2000, du Pays de Galles deux fois, de la Palestine et plus récemment de la Corse.

"Évitons les comparaisons trop rapides", écrit-il dans le catalogue du Festival. Il n’en souligne pas moins que "le dynamisme, l’enthousiasme, la confiance en soi et dans l’avenir du peuple catalan est un exemple pour nous les Bretons." Il se prononce pour des échanges culturels les plus larges entre les deux pays, plutôt symboliques jusqu’à présent malgré tout. Avec un fil rouge : "celui du combat européen et résolument moderne pour la reconnaissance des nations sans état et le respect total de leurs identités et langues respectives." Faut-il en déduire qu’aux yeux du maire de Carhaix la Bretagne doit également être considérée comme une nation sans état ? D’autres ont déjà avancé ce concept dans le passé.

Pour clore son intervention, il a surpris son monde en annonçant que Carhaix allait aussi devenir dès le 19 novembre prochain la capitale du combat pour…

"Une Bretagne autonome"

Avec l’enthousiasme qui le caractérise dans ces cas-là, il a évoqué le vœu qu’a voté le Conseil régional de Bretagne le 8 avril dernier, suite au texte qu’avait proposé le groupe "Breizh a-gleiz" [Bretagne à gauche] : il en parle comme "d’un moment extraordinaire d’émotion, un moment historique, qu’on partage avec tout un peuple, le peuple breton". Le titre du vœu qu’ont validé ce jour-là huit groupes politiques sur les neuf présents dans l’hémicycle est plus prosaïque :

  • "Pour une Bretagne autonome dans une République des territoires aux fondations démocratiques fortifiées". 

Trois mesures sont ciblées dans ce texte :

  • engager à l’horizon 2024, comme déjà demandé au gouvernement, le processus législatif qui permettra une consultation sur le processus de réunification de la Bretagne
  • entamer des discussions pour la définition d’un possible modèle d’autonomie pour la Bretagne, incluant une part de pouvoir législatif et réglementaire
  • redéfinir les relations budgétaires entre la Région et l’État dans le but de garantir à la Région un panier de ressources fiscales significatif.

Lire le texte complet du vœu : Voeu_Bretagne_autonome_CRB_2022_04_08

Carhaix-9

Un collectif regroupant toutes les sensibilités politiques ? 

Selon le vice-président aux langues de Bretagne à la Région lors de son discours au Festival du livre, ce vœu "nous permet d’avoir une feuille de route". Soit. Mais "il ne peut y avoir, ajoute-t-il, une expression forte de la part des élus que s’ils sont soutenus par tout un peuple". Ce qui n’est pas faux. Il annonce donc la création d’un collectif qui regrouperait toutes les sensibilités politiques (sauf le RN) : la suite de l’histoire révélera rapidement que ce n’est pas gagné.

On ne sait pas grand-chose de ce collectif jusqu’à présent, si ce n’est qu’il a été lancé par Thierry Jigourel, auteur prolifique, mais pas toujours précis. À titre d'exemple, lire sur ce blog la recension du livre invraisemblable qu'il a publié sur la langue bretonne, rempli d'assertions contestables et de poncifs en tout genre. 

C’est l’affiche de ce collectif "Pour une Bretagne autonome" que brandit Christian Troadec sur l’estrade du Festival du livre. Mais il va se trouver embarrassé pour le faire ! Car il tient son micro de la main droite (alors qu’il y avait un fixe au-dessus du pupitre) et ne peut montrer de la main gauche que l’une des deux affiches qu’il a à sa disposition. Il choisit de brandir celle en français. Mais pour cela il doit laisser tomber celle en breton à ses pieds ! Faute de goût de la part du vice-président régional aux langues de Bretagne, non ?

Carhaix-13

  • Photo ci-dessus : Lena Louarn, ancienne vice-présidente du Conseil régional, redisposant les affiches sur l’estrade après l’inauguration de manière à pouvoir les prendre en photo.

Pour une Bretagne autonome-1  Pour une Bretagne autonome-2

Un rassemblement annoncé pour le samedi 19 novembre à Carhaix

Il y a donc les affiches, qui annoncent un rassemblement à Carhaix pour le samedi 19 novembre. Et iI y a des flyers — on va plutôt parler de tracts — dont Christian Troadec précise qu’il va falloir en placer "partout en Bretagne, dans chaque commerce, dans chaque boîte aux lettres". Avant de clore son intervention par un "Bevet Breizh, bevet Katalunya" [Vive la Bretagne, vive la Catalogne], il définit l’objectif : "ouvrir la marche vers l’autonomie de la Bretagne."

Au recto de ce tract, trois noms sont mis en avant :

  • Loig (sic) Chesnais-Girard, président du Conseil régional de Bretagne
  • Jean-Guy Talamoni, ancien président de l’Assemblée de Corse
  • Luis Puig, ancien ministre catalan de la Culture en exil.

Suivent les noms de dix-neuf autres personnes, parmi lesquelles on citera

  • des élus comme Paul Molac, Mickaël Quernez, Marc Le Fur, Claire Desmares-Poirier…
  • les géographes Yves Lebahy et François Hulbert
  • l’écrivain polémiste Yvon Ollivier
  • Alan Le Cloarec et Djohar Le Clec’h-Sidhoum. Ils ont déjà réuni une cinquantaine de personnes à Carhaix le 28 août autour d’un autre collectif qui s’intitule "Vers une Bretagne autonome" et sur la base de revendications qui vont au-delà du vœu adopté par le Conseil régional, puisqu’elles visent à obtenir la reconnaissance du peuple breton ou le droit pour la Bretagne d’avoir ses propres institutions.

Au verso, le tract jaune détaille le programme de la journée du 19 avec la participation d’une vingtaine d’intervenants dont les noms sont annoncés :

  • une première table ronde "pourquoi l’autonomie"
  • une deuxième "l’autonomie par le droit"
  • la prise de parole du président du Conseil régional de Bretagne
  • puis celle des représentants des huit groupes du Conseil régional ayant voté le vœu d’autonomie.

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Badadao, comme on dit en breton

Autrement dit, patatras. Car la suite ne se passe pas comme prévu. Dès le lundi, Ouest-France relayait une information du cabinet du président de la Région selon laquelle "il n’avait jamais été prévu" que Loïg Chesnais-Girard participe à ce rassemblement. Le même journal et Le Télégramme font savoir le mardi que six autres responsables politiques ont été fort contrariés d’apprendre par un tract qu’ils devaient intervenir à Carhaix le 19 novembre, alors que personne ne les avait sollicités au préalable : ils n’y participeraient donc pas. Paul Molac lui-même se demandait s’il y serait ou pas.

Anjela Duval, dont la statue trône à l’entrée de l’Espace Glenmor de Carhaix, ne peut qu’être indifférente à ces turbulences. Un prosélyte facétieux avait glissé le tract sous son stylo de bronze et sous la tête de son chien. Christian Troadec a déclaré à la presse que les tracts avaient cessé d’être diffusés "le samedi". Pas avant 17 heures 45 dans ce cas, puisque c’est l’heure à laquelle a été prise la photo ci-dessus.

Le vice-président du Conseil régional de Bretagne n’avait pas d’autre choix que de présenter ses excuses aux personnalités concernées, en parlant d’une erreur de communication. Ne s’agirait-il pas plutôt d’un défaut d’organisation ? Le collectif lancé par Thierry Jigourel avec son approbation paraît surtout manquer d’expérience.

Mais ne peut-on pas risquer une autre interprétation ? L’organisation dans des délais aussi courts du rassemblement du 19 novembre n’avait-elle pas aussi pour objet d’esquisser une union régionale, voire une union nationale des Bretons, dans le sillage de l’Emsav et des partisans de toujours de l’autonomie de la Bretagne ? Ce que révèle en tout cas cet épisode, c’est que tout le monde n’a pas la même conception de l’autonomie, ni au sein du Conseil régional de Bretagne ni probablement au sein de l’opinion publique.

Commentaires
G
Une manifestation en faveur du gallo, annoncée depuis longue date a lieu le même jour à Rennes devant France 3. Choix d'agenda bizarre pour l'élu aux langues de Bretagne.
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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