Le point de départ de ce documentaire long de quatre épisodes d’une heure se situe à Landunvez, une commune littorale léonarde où l’on ne parlait alors que de l’extension contestée d’une porcherie et de pollution des plages. Il y a un an, le 13 janvier 2023, on y découvre un tag du FLB sur le mur de ce qu’il reste d’une résidence secondaire ravagée par un incendie qui ne s’est pas déclaré tout seul. Six mois plus tard, les médias reçoivent un courrier du Front de libération de la Bretagne revendiquant six incendies et sabotages qu’il aurait commis depuis mai 2022.

Kristel Le Pollotec, productrice des documentaires

Et voilà que Kristel Le Pollotec (photo DR), parisienne consciente de ses ascendances bretonnes, auteur déjà d’ouvrages ou de podcasts sur Berlin ou la guerre en Yougoslavie, bien que ne sachant rien, reconnaît-elle, du nationalisme breton, se lance dans la production de ces quatre heures de radio pour LSD, la série documentaire de France Culture, avec le concours de la réalisatrice Marie Plaçais. On entendra de tout dans cette série, y compris l’historien Joël Cornette remontant au peuplement de la Bretagne au Ve siècle, il est vrai que c’est pour rapporter les propos du poète français Ermold Le Noir fort péjoratifs à l’égard des Bretons et à l’origine de stéréotypes durables à l’égard de la Bretagne. 

Les interviews s’enchaînent à l’état brut, la productrice s’essayant à de brèves synthèses plus ou moins bien étayées pour questionner les intervenants. Cette enquête est en même temps pour elle « a work in progress » où elle se met également en scène par petites touches. Par contre, aucune prise de distance sur quelque déclaration que ce soit. Pas vraiment d’analyse ni de mise en perspective non plus, même pas un étonnement. Et la chronologie paraît confuse.

Découvrir sa bretonnitude

À cet égard, la conclusion du quatrième et dernier épisode vaut d’être contée d’ores et déjà, car symptomatique de l’exercice d’introspection bretonne que tente la productrice pour elle-même parallèlement à sa découverte des actions de militants bretons engagés dans la seconde moitié du XXe siècle. À la fin de leur enquête, Kristel Le Pollotec et la réalisatrice de l’émission se décident à faire un crochet par Saint-Nicolas-du-Pélem, « le village de mes ancêtres », dit-elle. Elle se dit « euphorique de découvrir sa bretonnitude. » 

Énorme déception : le village est vide, l’église est grise, les maisons sont grises, mais c’est conforme à une certaine idée que l’on se fait parfois de la Bretagne. Dans le cimetière, elle se rend compte que toutes les tombes sont récentes. Déception : aucune trace des Pollotec. Elle remarque alors ce qu’elle appelle « une auge en granit » remplie d’ossements : elle se convainc que « ce sont eux mes ancêtres. »

Église et cimetière de Bothoa. Photo Jef Philippe. DR

Une église et un cimetière : à Bothoa aussi

Mais non, Madame Le Pollotec : il ne s’agit pas d’une auge, mais de ce qu’on appelle couramment un ossuaire : première erreur. Tous vos aïeux, dites-vous, sont pourtant morts à Bothoa, en Saint-Nicolas-du Pélem. Là, c’est une erreur de méthode : si vous aviez anticipé et cherché à savoir ce qu’a été Botha dans le passé, vous auriez su que ça a été une très vaste paroisse du XVIe au XVIIIe siècle, bien qu’elle ne soit plus, selon Wikipedia, qu’un simple village.

Pas tout à fait malgré tout, car il s’y trouve un Musée de l’école rurale en Bretagne, original et de bonne réputation. Comme vous faites de temps à autre allusion à la langue bretonne dans vos émissions, sachez aussi qu’un chercheur gallois, Humphrey Humphreys, a consacré une thèse en 1985 au parler breton de Bothoa, parue en 1995 aux éditions Emgleo Breiz.

Et ce n’est pas tout. Car au centre de ce village se trouve une église, également entourée d’un cimetière. Revenez donc en Bretagne, Madame, et plus précisément à Bothoa en Saint-Nicolas-du-Pélem : qui sait si vous ne pourriez pas y repérer la tombe de vos ancêtres. Une recherche généalogique serait également possible. Peut-être que votre aspiration à entrer en bretonnitude pourrait alors être comblée. Ce pourrait être un long cheminement.

À suivre à propos de ces quatre émissions : les déclarations des acteurs du FLB, et celles des historiens, d’essayistes et de journalistes.