La SHAB a une nouvelle présidente. Et elle est Brestoise.
C’est la première fois dans l’histoire plus que centenaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne que son président ou sa présidente ne soit pas de Rennes. Et c’est seulement la deuxième fois qu’une femme ait été élue à ce poste. Le Conseil d’administration de la société a en effet choisi Christine Berthou-Ballot pour présider à ses destinées à l’issue du congrès 2023 les 7, 8 et 9 septembre dernier et de l’assemblée générale qui s’est déroulée à Guérande (Loire-Atlantique) le 9 septembre.
Archives, patrimoine, histoire
La nouvelle présidente a suivi des études d’histoire à la Faculté des lettres de Brest, puis d’archivistique à l’Université de Haute-Alsace à Mulhouse. Recrutée comme archiviste à la Communauté urbaine de Brest, elle devient conservatrice en chef du patrimoine en 2000 ainsi que responsable des archives municipales l’année suivante.
En 2011, elle se voit confier le nouveau service « Patrimoines », chargé de mener la candidature de la ville de Brest au label Ville d’art et d’histoire, qu’elle obtiendra en 2017. Elle occupe le poste de cheffe de projet « Ville d’art et d’histoire », chargée de mission sur les axes transversaux du label.
Les axes de réflexion de la nouvelle présidente
Christine Berthou-Ballot connaît bien la SHAB pour y avoir adhéré en 2011 à l’occasion du congrès de Brest. Elle en est devenue la trésorière en 2015. Bruno Isbled, son prédécesseur au poste de président, ayant décidé de ne pas se représenter au terme de seize ans à ce poste, elle a postulé à son remplacement. Elle se fixe comme objectif, selon ses propres termes, « de continuer à faire vivre cette société centenaire dans l’esprit de ses illustres créateurs et de [s] es prédécesseurs ».
N’ayant pu se déplacer à Guérande à la suite d’une chute qui la bloquait à son domicile brestois, elle a fait part de ses projets à distance. Elle aspire, a-t-elle déclaré, à un fonctionnement plus collégial de la SHAB. L’organisation des congrès annuels et la publication des Mémoires restent naturellement pour elle des projets prioritaires, mais elle estime souhaitable que diverses inflexions puissent y être apportées.
Elle souhaite que le nouveau site internet de la société qui vient d’être mise en ligne à l’occasion du congrès de Guérande sous le nom de Bretagne Histoire soit perçu comme « la vitrine de l’activité de notre société ».
Le nouveau site interrnet plus dynamique
Il a été entièrement repensé sur la base d’une maquette entièrement renouvelée et spécialement élaborée par Stéphane Hervé, conception graphique (société Metagrafic à Carhaix) avec le concours de Nolwenn Blouin, graphiste et webdesigner (Tryptyk).
La nouvelle dénomination Bretagne Histoire marque la nouvelle approche dynamique pour laquelle ont opté les responsables de la SHAB. Il sera également beaucoup plus facile à repérer sur internet par les deux termes génériques « Bretagne » et « histoire ».
Comme il se doit, on peut y découvrir une présentation de la SHAB et de ses activités tout comme celle des sociétés historiques de Bretagne. Une page est consacrée à l’actualité de l’histoire en Bretagne et ailleurs éventuellement. Sur d’autres pages sont présentées les publications de la SHAB, notamment les ouvrages qu’elle publie en coédition avec les Presses universitaires de Rennes, ainsi que les volumes de Mémoires qu’elle fait paraître chaque année à la suite de ses congrès.
De nouvelles pages ont été ajoutées, comme la présentation des auteurs qui interviennent lors des congrès avec un aperçu de leur communication, mettant en évidence le rôle majeur que joue la SHAB pour la diffusion de la recherche historique en Bretagne. Une autre page sur « les livres d’histoire » expose les comptes rendus que rédigent d’autres historiens sur les travaux de leurs collègues, dont ne pouvaient prendre connaissance, jusqu’à présent, que ceux qui disposent de l’édition papier des Mémoires.
Pour le consulter : https://www.bretagne-histoire.org
La disparition d’Hervé Quéfféléant, un grand nom de la musique celtique
Né à Brest en 1953, il a été, avec son frère jumeau Pol, le fondateur du groupe An Triskell au début des années 1970. Il est décédé le 7 juillet dernier des suites d’une longue maladie, à l’âge de 69 ans. Ils avaient sorti leur premier disque de musiques celtiques (au pluriel) chez Philips dès 1971. Sept autres 33 tours avaient suivi et huit CD, sans compter leur participation aux projets de nombreux autres poètes, chanteurs et groupes musicaux, parmi lesquels on n’oubliera pas de citer Chanig ar Gall.
Hervé Quéfféléant et Triskell auraient pu figurer parmi ceux qu’à l’occasion du 100e anniversaire du Festival de Cornouaille, on présente désormais comme les légendes de la musique bretonne.
Bernez Quillien, lui-même musicien, qui les a bien connus et beaucoup fréquentés, a bien voulu rédiger pour ce blog les deux textes suivants, l’un en français, l’autre en breton, pour saluer la mémoire d’Hervé et témoigner de leur apport au renouveau de la musique bretonne et celtique, ce dont je le remercie.
- Sur ce message : photos d’archives, DR. Remerciements à Patrick Audouin.
Kenavo, Herve Queff
Le groupe An Triskell s’est imposé dès sa création dans le paysage musical breton, apportant un son original et magique. La magie venait de leur duo de harpes, l’une à cordes de métal, tenue par Hervé Quefféléant, l’autre à cordes de nylon de son frère jumeau, Pol. Si de nombreux musiciens se sont succédé au sein de leur groupe au fil des années, c’est toujours leur duo qui en a insufflé la magie. On les a vus aux côtés de Youenn Gwernig pour son premier disque, de Grame Allwright, de Gilles Servat, à la création de Ar Marh Dall, la cantate dont Job an Irien avait écrit le texte et René Abjean la musique… On retiendra aussi les compositions de musiques de films auxquelles ils ont participé.
J’ai eu la chance de faire leur connaissance au début de leur notoriété grandissante, alors qu’ils approfondissaient leur connaissance des modes de la musique bretonne auprès de René Abjean, le savant et musicien bien connu. J’ai alors été invité chez leurs parents. Ils me jouaient leurs nouveaux morceaux avec simplicité et générosité et me montraient des techniques de guitare : ils maitrisaient, je découvrais. Pol à la guitare et Hervé au banjo cinq cordes avaient aussi travaillé le folk américain.
Le départ d’Hervé ravive en moi beaucoup d’images heureuses, et c’est vers Pol que vont aujourd’hui mes pensées les plus affectueuses.
Evel daou Alan Stivell war al leurenn
Yaouank e oa strollad an Triskell pa ‘m-oa gwelet anezo evid ar wech kenta. Sabatuet e oan bet gand an diou delenn o seni assamblez, evel ma vije bet daou Alan Stivell war al leurenn. Hag e oan deuet da veza « fan » dioustu. Pa ‘m-oa klevet e teue an daou vreur o seni evid an oferenn e iliz o harter, am-eus redet beteg du-ze, hag eur wech ouspenn am-eus bet mil blijadur o selaou deuz kantikou ar vro sonet ouz an telennou. E-giz-ze on-eus greet anaoudegez, ha meur a wech on bet pedet ganto ti o herent.
Konta a reent din euz Pete Seeger, euz Graeme Allwright, euz sonnerez folk ar Stadou-Unanet, euz toniou or bro ivez, euz « pentatonique » pe c’hoaz euz ar « mode hypodorien », ha d’ar poent-ze ne ouien ket zoken e oa deuz outo. Tud fier avad ne oant ket, ha diskouez a reent din doareou da zeni deuz ar gitar, evel ar piking, da skouer, am-eus dizoloet ganto.
Abaoe ar bloaveziou-ze om chomet kamaladed, ha bewech on-nije plijadur oh en em gaoud asamblez. Pedet on bet ganto meur a wech da zeni war o fladennou, peadra da veza fier, kea ! Eun droiad am-eus greet ganto ivez e bro Spagn, ha kevrinuz e oa gweled an daou-ze o kregi gand eun ton, heb na konta 1, 2, 3, 4 na zoken heb selled an eil ouz egile ! Gevelled moarvad ! Hirio pa glevan eo êet Herve da varadoz ar zonerien eo evel just d’e vreur Pol e kasan ma gwella soñjou.
Bernez Quillien
Pour en savoir plus : Triskell (groupe), la page Wikipédia qui leur est consacrée, bien étayée.
Les femmes de pierre de Jean-Yves André
L’artiste léonard ne cesse d’être explorateur en son pays et de toujours nous surprendre. Il a longtemps parcouru le monde, ce qui l’a fait connaître comme artiste voyageur. Puis, il a dessiné et exposé les mégalithes du Léon et ceux du Pays bigouden, les chemins de croix du pays d’Iroise, les croix anciennes de ce même pays d’Iroise et celles du pays Pagan. Le voilà qui nous révèle maintenant les femmes de pierre de nos églises et de nos chapelles.
- Ci-dessus : Jean-Yves André en arrière-plan, lors du vernissage de son exposition. Toutes les illustrations de ce post : photos FB.
De gauche à droite : au manoir de Kermenou en Porspoder, incube à Plonevez-du-Faou, Katell Gollet sur le calvaire de Plougastel-Daoulas.
Ces femmes ont la particularité d’être bien moins sages que les représentations classiques auxquelles nous sommes habitués en ces lieux. Disons-le dans la langue de notre temps : elles sont sexy. Elles sont sculptées les seins nus, en sirène, en femme serpent. Elles sont toutes différentes, de visage et de corps, comme si elles représentaient autant de personnes vivant au moment où en figeait le portrait dans la pierre. Des postures parfois lubriques représentent un incube, soit un démon abusant sexuellement d’une femme en son sommeil.
Jean-Yves André commence par visiter lui-même les églises, mais aussi les châteaux et manoirs de la région pour photographier les sculptures de femmes qu’il a repérées au moment où elles bénéficient de bonnes conditions de luminosité. Puis, à l’aide de ses modèles de pierre, il s’astreint à les dessiner méticuleusement et minutieusement à l’encre et en noir et blanc, ce qui est sans doute le meilleur moyen de les valoriser. Il pourrait être l’un des seuls artistes à user de cette technique.
Photo de gauche : Jean-Louis Le Hir lors de son intervention.
Le résultat est tout à fait convaincant et séduit : le week-end dernier, il en a exposé quelques dizaines à la chapelle Saint Ourzal, en Porspoder, commune littorale de plus de 5 000 habitants dans le bas Léon. On peut en découvrir d’autres sur son site internet. Une quarantaine de personnes s’étaient déplacées le 14 juillet pour le vernissage. Jean-Louis Le Hir, l’actuel gardien de la chapelle, en a fait la présentation et en a tracé l’historique.
Construite en 1639 en pleine campagne et entourée de talus de bruyères, avec un clocheton datant de 1719, elle est tombée en ruine au début du XXe siècle. Jusqu’à ce que l’abbé Job an Irien prenne l’initiative de la reconstruire en 1979, avec le concours des élèves d’Hubert Arzel et d’artisans locaux. La chapelle est placée sous le patronage de Saint Ourzal qui serait venu du Pays de Galles en Armorique au VIe siècle. Depuis sa rénovation, elle est redevenue lieu de culte, mais aussi un (petit) espace culturel pour des concerts et des expositions.
De gauche à droite : sirène au Juch, femme serpent à Saint-Suliau en Sizun. Photo de droite, sans indication.
Il est sans doute dommage que celle de Jean-Yves André n’ait duré que trois jours. Si quelqu’un d’autre voulait bien l’accueillir en un autre lieu, l’artiste ne dirait sûrement pas non, d'autant qu'elle peut se mettre en place aisément. De par sa thématique originale et intrigante et de par la qualité de sa réalisation, elle le vaut bien. Un projet d’édition serait à l’étude chez Georama, mais la date n’en est pas connue à ce jour.
Pour en savoir plus :
- Jean-Yves André en artiste voyageur : sur ce blog
- Le site personnel de Jean-Yves André : cliquer ici
- Le site de présentation de Saint-Ourzal en trois langues, s'il vous plaît, français, anglais, allemand : cliquer ici
Le centenaire de la naissance d’André Le Mercier, précurseur de l’enseignement du breton et bien plus encore
Il est né à Saint-Quay-Perros, dans le Trégor, le 26 juin 1923. Il a été connu comme Andreo Merser, selon l’appellation bretonne de son prénom et de son patronyme. Après son lycée à Brest, puis des études universitaires à Rennes, il devient instituteur en 1944. Il enseigne quelques années en Algérie, avant d’être nommé à son retour, en 1956, à l’école publique de Glomel (Côtes-d’Armor). Il y a alors été l’un des trop peu nombreux instituteurs qui s’impliqua pour initier ses élèves à la lecture et à l’écriture du breton, cinq ans après le vote fortement contoversé de la loi Deixonne n’autorisant pourtant qu’un enseignement très modeste de quatre langues « locales » .
- Ci-dessus, Andreo Merser près de sa résidence du Conquet.
- Toutes les photos de ce post : DR
- Mis à jpour : 2 juillet 2023.
Andreo Merser, en habit breton, aux Fêtes de Cornouaille à Quimper.
Conseiller pédagogique du breton
Il faut dire que la plupart des élèves, à ce moment-là dans le centre Bretagne et ailleurs, savaient plus ou moins le breton en arrivant à l’école. Adepte de la méthode Freinet, il publie le journal d’enfants Fiseled Groñvel dont le souvenir est resté vivace, lance avec l’Amicale laïque une troupe de théâtre qui joue des pièces de Tanguy Malmanche et de Pierre Hélias et contribue au renouveau du fest-noz en centre Bretagne.
Nommé à Brélévenez (Lannion), puis à Brest, André Le Mercier devient conseiller pédagogique de breton en 1976. Il rédige un rapport qui fit sursauter le Recteur de l’Académie de l’époque : il lui suggérait tout simplement de créer quelques centaines de postes de manière à pouvoir proposer une formation en langue bretonne aux très nombreux enseignants qui la connaissaient alors et qui auraient pu l’enseigner à leur tour. Bien évidemment, le projet ne vit jamais le jour.
Un panneau de l'exposition "Kanañ er skol" (par TES), avec une photo d'André Le Mercier en posture d'instituteur.
Auteur de méthodes, d’une grammaire et d’un dictionnaire breton
Il lance la revue pédagogique Ar Helenner [L’enseignant] et préconise, entre autres, l’enseignement du breton par le chant. Ce qui, en 2019, a conduit les éditions pédagogiques TES à Saint-Brieuc à organiser sous l’égide de Maryvonne Berthou l’exposition « Kanañ er skol » [Chanter à l’école]. Elle tourne, depuis, dans toute la Bretagne : on peut la voir en ce moment et jusqu’au 7 juillet à la médiathèque de Plouarzel (Finistère).
Merser présente son dictionnaire breton au Festival du livre de Carhaix auquel il participait chaque année.
Merser, comme tout le monde l’appelait, a par ailleurs publié plusieurs méthodes de breton, une grammaire, un précis de prononciation, une étude sur les graphies du breton, un dictionnaire bilingue. À l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, il avait préparé et publié une anthologie des textes en langue bretonne de cette période-là en deux volumes : les textes originaux étaient reproduits dans l’un en fac-similé alors que l’autre proposait la transcription des textes en orthographe universitaire (et non pas dans leur version française comme on peut le lire parfois).
Devant les locaux d' Emgleo Breiz, Brud Nevez et Ar skol vrezoneg, près de la place de Strasbourg à Brest.
Actif au sein des associations Ar Falz et Emgleo Breiz
Au lendemain de la dernière guerre, André Le Mercier, du fait de son intérêt pour le breton, côtoie les responsables de périodiques et de groupements nationalistes qui réapparaissent à ce moment-là, mais il ne tarde pas à s’en éloigner pour rejoindre le mouvement des instituteurs et professeurs laïques Ar Falz qu’Armand Keravel venait de relancer pour sa part aux côtés de Pierre-Jakez Hélias et de Charlez ar Gall notamment. Les mêmes se retrouvent en même temps que Visant Seité (du Bleun-Brug), mais aussi la BAS et Kendalc’h, pour créer la fédération Emgleo Breiz au début des années 1950.
Tant qu’il a été en activité, Le Mercier prenait part au fonctionnement d’Emgleo Breiz. Il en deviendra le président en 1987 et le restera jusqu’en 2002. Il suit également la publication de la revue Brud, dont il fut le secrétaire et qui devient Brud Nevez en 1977. Il créera l’association Ar skol vrezoneg pour organiser des cours de breton par correspondance et des cours du soir à Brest.
À compter du jour où il avait découvert les potentailités de l'ordinateur, Merser ne cessa jamais de l'utiliser au quotidien, allant jusqu'à créer son propre atelier artisanal d'impression qui ont fait de lui un des principaaux éditeurs d'ouvrages en breton. Le site http://embann.an.hirwaz.online.fr/ qu'il avait créé pour mettre à la disposition de tous des textes et ouvrages en breton introuvables est toujours accessible en ligne grâce à son fils Alain, merci à lui.
Il ne pouvait pas ne pas s’impliquer pour la langue bretonne et tant qu’à faire pour un breton vivant. En 1999, en pleine polémique comme il y en a de temps à autre autour de cette langue, il explique dans la revue pourquoi il lui plaît tant de s’investir pour le breton. Francis Favereau en a repris un extrait dans le tome 3 de son Anthologie de la littérature bretonne.
- Perag neuze ober war-dro ar brezoneg ?
- "Da genta toud, n’eo ket maro c’hoaz, ha tra ma chom beo ne welan ket perag ne rafem ket gantañ […] Eur blijadur, ya, eur blijadur, e vez ober war-dro ar brezoneg. Tud ‘zo o-devez plijadur o komz anezañ, skrivagnerien o-devez pljadur o sevel skridou, re all, eveldon-me o-devez plijadur oh embann o leoriou – ouspenn 300 leor am-eus embannet abaoe m’emaon e retred – ha tud all o-devez plijadur o lenn anezo. Ma ne vefe ket eur blijadur da genta toud ne dalvezfe ket ar boan ober war-dro".
- Pourquoi alors s’occuper de breton ?
- "D’abord, il n’est pas encore mort et, tant qu’il reste vivant, je ne vois pas pourquoi nous ne l’utiliserions pas […] Un plaisir, oui, c’est un plaisir de s’occuper de langue bretonne. Certains prennent du plaisir à la parler, des écrivains à écrire des textes, d’autres comme moi à publier leurs livres — j’ai édité plus de 300 titres depuis que je suis à la retraite — et d’autres enfin à les lire. Si ce n’était d’abord ce principe de plaisir, cela ne vaudrait pas la peine de s’y intéresser."
Remise d'un tableau du sémaphore de la presqu'île de Kermorvan (Le Conquet) à Merser pour ses 80 ans.
Andreo ar Merser par ceux qui l’ont connu
Voilà qui résume bien la personnalité tout entière d’Andreo ar Merser. Quand il est décédé le 31 décembre 2018 à l’âge de 95 ans, plusieurs de ceux à qui il avait appris le breton en cours du soir, en stage ou par correspondance lui ont témoigné leur reconnaissance en breton dans Brud Nevez. (Traduction par mes soins).
- « J’ai fait la connaissance d’un homme, d’une langue, d’un pays. » Le Canadien bretonnant Jeffrey Shaw, Toronto.
- « Sans lui, il est peu probable que je sois devenu l’écrivain que je suis. » Mikael Madeg, dont plus de 160 ouvrages ont été édités par Emgleo Breiz.
- « Mon professeur de breton. Qu’est-ce qui le motivait ? Ses qualités, sa bonté, son inclination à tout voir du bon côté ? Ou le combat qui fut le sien ? L’un et l’autre sans doute. » Loeiz Grall.
- « J’ai une dette à son égard. J’ai commencé à suivre ses cours du soir. Je comprenais de mieux en mieux. Je dois cet eurêka à Monsieur Le Mercier qui m’a donné l’envie de progresser. » Laurence Lavrand.
- « C’était un homme organisé qui regardait vers l’avenir. Il était tout heureux de fréquenter des bretonnants, des auteurs, des lecteurs. Il prenait tout ce qui arrivait avec sagesse et de l’humour. » Maguy Kerisit.
Pour en savoir plus :
- Disparition d’André Le Mercier, un acteur majeur du monde bretonnant. Lire sur ce blog.
- F. Favereau. André Le Mercier, dans Anthologie de la littérature bretonne au XXe siècle. 1945-1968. Morlaix, Skol Vreizh, vol. 3, 2008, p. 476-478.
- F. Favereau. Andreo ar Merser, e Lennegezh ar brezhoneg en XXvet kantved, 1945-1968. Montroulez, Skol Vreizh, levrenn 3, p. 474-476
- En eñvor Andreo ar Merser, skolaer hag embanner, ha muioh evid se c’hoaz. Testeniou ha poltriji. War al lehienn www.brudnevez.org
- Andreo ar Merser : kimiad. Er gelaouenn Brud Nevez, n° 317, miz meurz 2009, p. 26-36.
Quand le street-artiste Banksy fait un clin d’œil en breton à ses visiteurs brestois
Sur le site exceptionnel des Capucins, il faut une à deux heures de queue pour accéder aux deux salles juxtaposées dans lesquelles sont exposées deux à trois cents de ses œuvres. Le Télégramme parle ce matin d’un succès fou pour l’artiste anonyme, avec plus de 17 600 visiteurs depuis l’ouverture de l’expo il y a une semaine. Les guides bénévoles, tel le comédien Guy Abgrall, sont plutôt fiers de porter leur veste mauve sur le dos.
- Photos et captations sur ce post : FB
- Mise à jour : 18 juin, 21h58
Les œuvres que l’on peut voir aux Capucins ont été collectées depuis 2007 par le comédien François Beradino, dit Béru, et ses amis. Ce ne sont pas de très grands formats, comme ceux qui font l’objet de spéculations à coup de millions d’euros sur le marché de l’art. Eux la jouent simple, comme en atteste la dénomination de leur « Banksy Modeste Collection » (BMC).
À l’entrée, sur la gauche, un amas de tuyaux et autres objets divers et variés en plastique colorés, sur lesquels est accroché ce qui semble bien être un paillasson « Welcome ». Pour faire chic, il est présenté comme « un tapis de bienvenue ». Il a été fabriqué à la main en 2019 dans des camps de réfugiés grecs à partir de gilets de sauvetage abandonnés sur les plages de Méditerranée. Toute la série de tapis avait été vendue en moins d’une heure.
En tournant le dos, vous apercevrez peut-être sur un poteau la miniature d’un petit singe noir pataud aux bras oblongs et aux courtes jambes, des antennes sur la tête : « eur marmouz du » [un singe noir], dirait-on en breton. Justement le texte qu’il affiche sur le ventre, c’est du breton et le pendant exact du « welcome » anglais en face : « degemer mat », également dans le sens de « bienvenue ». Banksy aurait-il spécialement réalisé ce pochoir pour l’exposition de Brest et pourrait-il l’avoir fait à la demande de la BMC ? On n’en sait rien…
Rien ne résiste à l’esprit corrosif de Banksy. Chez lui, le capitalisme n’a pas la côte, comme le laissent entendre ces boîtes de soupe à la tomate tristement empilées sur une lithographie monotone. Il ne paraît guère croire aux vertus de la religion catholique. La Kate d’Andy Warhol, qu’il a revisitée, avait été offerte en 2005 au format de carte postale lors d’une expo à Londres en 2005. Disney n'avait pas apprécié le détournement des personnages de Mickey au bénéfice de Greenpeace.
Banksy est un iconoclaste à l’humour décapant qui ne fait aucune concession. Che Guevara est ainsi représenté avec le signe du dollar américain incrusté dans ses lunettes de soleil dans une lithographie sur papier : l’image caustique du révolutionnaire argentin interroge sur les combats de l’icône de la guérilla. L’affiche du film que tourne Banksy en 2010 invite à faire le mur, au sens propre ou au sens figuré ? Mais comment parvient-il donc à préserver son anonymat avec toutes les initiatives qu’il prend ? Banksy est toujours aussi mystérieux, alors que chacune de ses réalisations surprend.
Dommage que l’exposition de Brest soit présentée dans un espace aussi réstreint, même si ce sont de petits formats. Les visiteurs se marchent sur les pieds et n’ont aucun recul. Chacun se construit son Banksy au fil de son parcours. Mais on quitte l’exposition avec, dans la tête, l’image de la petite fille regardant le ballon en forme de cœur rouge lui échapper des mains et s’envoler vers le ciel. L'affiche de l'expo aussi (photo ci-dessus), qui est offerte aux visiteurs à la sortie, est celle d'un manifestant masqué lançant une bouée en forme de cœur vers on ne sait qui ou quoi. Tout espoir n’est pas perdu.
Exposition visible de 11 heures à 19 heures jusqu’au 25 juin inclus aux Capucins, à Brest. Entrée gratuite.
Quand Le Télégramme fait sa publicité en breton… à Rennes
Vous n’êtes peut-être pas de ceux qui transitent tous les jours par la gare de Rennes, moi non plus. Mais ça m’arrive de temps à autre. Quand j’y suis arrivé le 23 mai, je ne l’ai pas vue : on ne capte jamais tous les messages visuels ou autres qui vous sollicitent dans un lieu aussi immense. Quand j’ai voulu prendre le train du retour le lendemain, ça a fait tilt : une pub en breton à l’entrée de la gare de Rennes, je n’en avais jamais vu et, là, il y en avait une. Bilingue, certes, mais avec du breton. Et c’est le quotidien Le Télégramme qui fait ainsi son autopromotion. Du jamais vu de sa part.
- Photo ci-dessus : FB. Autres illustrations : DR.
La présence du breton dans la capitale régionale
Ça m’a donc surpris. Car, si l’on trouve Le Télégramme à acheter en gare de Rennes et peut-être ailleurs, il n’a pas d’édition rennaise à ma connaissance : Rennes est le territoire d’Ouest-France. Pour ce qui est du breton, je sais que 2 % des 15 ans et plus y parlent le breton (contre 4 % à Brest et 0 % à Nantes, sondage TMO Régions, 2018), que des institutions (université, enseignement, médias…) et que des associations ou des réseaux de plus ou moins forte notoriété sont basés dans la capitale régionale. Le département d’Ille-et-Vilaine prépare d’ailleurs son plan de politique linguistique en faveur du gallo et du breton, à l’instar de celui qu’a adopté le Finistère pour le breton. Serait-ce une raison suffisante pour y faire de la publicité bilingue ?
Je fais une petite digression qui n’est pas sans intérêt. Car ce qui avait marqué le Dr Gabriel Le Menn, un bretonnant originaire de Dinéault qui s’en alla du Finistère faire ses études de médecine à Rennes, c’est que personne n’y parlait le breton (témoignage personnel). Devenu médecin des hôpitaux toujours à Rennes, autour des années 1960, dans un nouveau service de neurochirurgie, il y était aussi interprète quand il le fallait, car il était… le seul bretonnant dans ce service « gallo ». Nommé à la Faculté de médecine de Brest en 1968, il en deviendra ensuite le doyen.
Rennes, porte d’entrée de la Bretagne
Je reviens à la publicité bretonne du Télégramme à l’entrée de la gare de Rennes. J’ai pu m’entretenir à ce sujet avec Jérôme Podevin, directeur Communication du Groupe Télégramme, au siège de Morlaix. « La raison pour laquelle on l’a fait ? Parce que c’est une porte d’entrée de la Bretagne. De plus, sur les portes d’entrée [de la gare], tous les panneaux sont déjà en français et en breton. On s’est dit : nous, on va faire comme la SNCF, en français et en breton ». Si ce n’est qu’il a fallu se mettre d’accord avec la SNCF et son afficheur, car en ce domaine tout est codifié.
Ceci étant, la campagne de promotion du Télégramme se veut à la fois innovante et humoristique tout en se positionnant à la fois sur l’actualité régionale et sur l’international. Le message nous est transmis par un texte concis et assez simple, qui s’impose d’emblée : « Les pieds en Bretagne, les yeux sur le monde ». Le Télégramme se positionne ainsi comme un média incontournable qu’aucun Breton ne devrait ignorer. Au lecteur potentiel de passer à l’acte d’achat et de se procurer le journal au quotidien, s'il a été convaincu.
Le visuel en adéquation avec le slogan écrit
Si ce n’est que le message est exprimé sur un mode binaire, qui conforte certes le lecteur sur sa double appartenance régionale et internationale, mais qui occulte du même coup l’échelon national. C’est un renversement de perspective par rapport à ce qui a longtemps été l’approche éditoriale du Télégramme dans l'après-guerre.
Le visuel vient renforcer le message. En gare de Rennes, ce sont des éoliennes qui semblent souffler sur l’invraisemblable coiffure jaune de Donald Trump : c’est presque surjoué. À côté d’une Bigoudène incontournable en coiffe, la photo d’un punk de festival, par exemple. L’authenticité supposée de la Bretagne côtoie une modernité très tendance en Bretagne même ou ailleurs dans le monde. Selon Jérôme Podevin, c’est le choc de photos qui se parlent entre elles dans une forme de jeu voulu entre celle de gauche et celle de droite.
Plus de breton dans Le Télégramme ?
Au vu de l’affichage bilingue à l’entrée de la gare de Rennes, je me suis demandé si cette campagne de promotion n’annonçait pas en même temps de nouvelles initiatives du journal en matière de langue bretonne. Jusqu’à présent et depuis de nombreuses années, Le Télégramme consacre une page entière au breton une fois par semaine, le jeudi, avec un rédactionnel conséquent intégralement en breton. Comme le journal est un quotidien, je me suis toujours demandé s’il ne pouvait pas proposer, non pas une page hebdomadaire, mais pourquoi pas une page quotidienne en breton. France 3 Bretagne tout comme France Bleu Breizh-Izel diffusent bien des journaux audiovisuels au quotidien.
Je crois comprendre que ce ne devrait pas être le cas. Déjà, l’affiche de la gare de Rennes est la seule à être bilingue, les autres étant uniquement en français : l’opération m’a été présentée comme étant un clin d’œil, sans plus, à l’égard de la SNCF (qui a des panneaux en breton dans la plupart des gares). Par ailleurs, cette campagne d’autopromotion paraît être en lien avec une autre opération conduite simultanément avec 50 autres titres de la presse quotidienne régionale pour mettre en avant les contours d’une France déjà en transition et en quête de demain, ce qui n’est pas sans intérêt par ailleurs.
Affaire à suivre ?