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20 mai 2023

Connaissez-vous le film « Yezh ar vezh », la langue de la honte ?

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Ce n’est pas certain, car il date de 1979. Je ne me souviens pas de l’avoir vu moi-même à l’époque. Je l’ai réellement découvert lors d’un projection en février 2016 au cinéma Les Studios, à Brest, à l’initiative de la Cinémathèque de Bretagne. L’année suivante elle m’a sollicité pour un débat lors d’une autre projection à Guilers. Et voilà que le TNB de Rennes, toujours en lien avec la Cinémathèque, me contacte à son tour une présentation du film dans le cadre de son Printemps breton. 

L’histoire singulière d’un film

« Yezh ar vezh » est un film daté, forcément, d’autant plus que le tournage s’est déroulé avec de petits moyens, dans un premier temps en 1974, puis, après une pause de trois ans, en 1977 pour quelques compléments. Son histoire est singulière, parce qu’il n’a pas été tourné sur la base d’un synopsis, mais au feeling en quelque sorte, en fonction de l’actualité. Le film apparaît effectivement comme une juxtaposition de séquences collectées selon les opportuniés qui se présentaient. C’est aussi ce qui fait son intérêt.

Le réalisateur, Philippe Durand (1932-2007), est un critique de cinéma et l’auteur de plusieurs ouvrages sur le cinéma et sur la Bretagne. Sa production cinématographique est conséquente, puisqu’il a à son actif une cinquantaine de films en 16 et en 35mm. Son premier film sur la guerre d’Algérie avait été censuré.

Un film assurément militant

"Yezh ar vezh", c’est donc la langue de la honte. Contrairement à ce que laisse entrevoir le titre, c’est en film en français, avec cependant des passages en breton, sous-titrés en français. La langue bretonne, son histoire récente et les interrogations sur son avenir occupent une place centrale dans le film.

C’est un film personnel et un film militant assurément, de et par Phlippe Durand, un témoignage en images et en sons sur le bouillonnement et les interrogations de ces années-là. 1970 en Bretagne. Un voyage au fil de ces années d’après mai 68 qui voient l'émergence de nouvelles formes d'expression d'un combat breton en rupture avec celui des décennies précédentes. 

On y croise

  • la toute jeune harpiste Kristen Noguès,
  • un Youenn Gwernig ironique,
  • le poète Yvon Le Men à vingt ans déclamant ses poèmes le long d’une rivière,
  • l’universitaire Fañch Morvannou vindicatif,
  • mais aussi René L’Hostis, un des futurs fondateurs des écoles Diwan.

On évoque les conflits sociaux de la décennie, les attentats du FLB, les débats d’idée de l’époque. Un chanteur traditionnel vannetais expose les raisons pour lesquelles il avait préféré élever ses enfants en français et non pas en breton. Les années 1970 sont également celles d’initiatives et de réalisations originales en vue de sa réappropriation et sur les modalités selon lesquelles elle pourrait réellement se faire.

  • Voilà de quoi nourrir aussi une discussion à l’issue de la projection.
  • Projection : mardi 23 mai à 19h00 au Théâtre national de Bretagne, 1, rue Saint-Hélier, à Rennes, à 19h00.


16 mai 2023

À Rennes 2, un tag radical en breton qui pose question

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Il est apparu il y a une dizaine de jours sur les murs de l’Université, et ce n’est pas si courant. J’en reproduis le texte : 

  • An holl a zo laouen pa zev Pariz

On remarque tout de suite qu’après le deuxième mot, le A est ce qu’il est convenu d’appeler un A cerclé ou un A dans un O, qui est la marque de l’insoumission ou de la rébellion et plus particulièrement de l’anarchisme. Pas depuis très longtemps d’ailleurs, puisqu’il ne serait apparu qu’en 1964, selon un article de L’Obs. D’après le Bulletin des jeunes libertaires, c’était le moyen le plus simple de réduire au minimum la longueur du texte de signature et le temps qu’il fallait pour l’apposer sous les slogans des anarchistes. 

  • Photo ci-dessus : DR

Dans le cas du tag de Rennes 2, ça a été encore plus rapide, puisqu’il est inclus dans le slogan lui-même. Et, vous l’avez compris, ce slogan est rédigé en breton. Ce qui laisse entendre qu’il y a à l’université un ou des étudiants, et ce ne sont peut-être pas des étudiants d’ailleurs, qui sont à la fois, disons brittophones et anarchistes. Après tout, pourquoi pas ? Suivent-ils les cours des cours de breton à l’Université ou ailleurs ? On n’en sait rien. Il n’empêche que le texte du slogan pose un double problème : sur la forme parce que le breton de cette courte phrase paraît maladroit, et sur le fond.

La traduction du tag

Je commence par vous proposer une traduction du slogan, d’autant plus aisée qu’il apparaît comme un calque du français :

  • Tous sont joyeux quand Paris brûle.

En français courant, on serait cependant tenté de dire « tout le monde est content quand Paris brûle ». L’adjectif « laouen » [joyeux] ne paraît pas optimal. Le verbe « devi » ou « deviñ » [brûler] non plus, même si des vitrines ont bel et bien été fracassées et parfois incendiées à Paris, comme à Rennes et à Nantes d’ailleurs. Disons d’emblée que cela aurait pu se dire tout simplement  

  • Kountant e vez toud an dud pa vez an tan e Pariz.
  • Tout le monde est content quand il y a le feu à Paris.

Mais parlons un peu de grammaire 

À la 3e personne du présent de l’indicatif, « deviñ » se conjugue « dev », qui subit ici la mutation de « d » en « z » à l’initiale après la conjonction « pa », soit « pa zev », même si elle ne se fait pas partout.

Il y aurait quinze autres façons d’exprimer la même idée en un breton plus fluide, dont celle-ci-dessus. J’exagère à peine et tout ça se discute. Mais quand même. Dans sa grammaire du breton contemporain, Francis Favereau explique bien (p. 288) que c’est la syntaxe de la phrase qui permet le mieux de définir le génie propre du breton.

Dans l’élément principal de la phrase taguée à Rennes 2, c’est la forme invariable « zo » à la 3e personne du singulier de l’indicatif du verbe « être » qui a été utilisée. Elle est ici précédée comme souvent de la particule verbale « a », elle-même précédée du sujet « an holl » [tous], l’ensemble de l’énoncé apparaissant comme un constat d’évidence.

Sauf qu’il y a en breton d’autres possibilités d'exprimer le verbe « être » à la 3e personne du singulier de l’indicatif, par exemple la forme d’habitude « vez », que Francis Favereau désigne comme une forme fréquentative. Si on opte pour cette forme, on modifie tant qu’à y être l’ordre des mots dans l’élément principal de la phrase. Il s’impose alors d’utiliser la même forme « vez » dans la subordonnée, ce qui induit l’emploi de la forme progressive pour le verbe « deviñ » [brûler]. Vous suivez ? Voici le résultat : 

  • « Laouen e vez an holl pa vez Pariz o teviñ. » 

La phrase bretonne est correcte, dans le sens où « tout le monde est content quand Paris brûle [habituellement] ». Si ce n’est que Paris ne brûle pas en permanence et que tout le monde ne s’en réjouirait pas forcément. Reste un autre énoncé possible : 

  • « Laouen eo an holl p’ema Pariz o teviñ ». 

Pour signifier qu’on se trouve dans un contexte existentiel, on utilise cette fois-ci la copule « eo » au lieu de « a zo » ou de « a vez ». Dans la subordonnée, on emploie alors la forme « ema » ou « emañ » pour situer l’événement dans un espace-temps défini. Ce que voudrait dire le slogan énoncé en ces termes est qu’on est vraiment content que Paris soit en train de brûler.

On ne saura donc pas quel message ont précisément voulu faire passer les étudiants rennais avec le slogan en breton tel qu’il a été tagué sur un mur de l’université. Et pourtant, il est limpide. Je dirais même plus : c’est un message aussi radical qu’hyperbolique. Mais comment l’action de casseurs pourrait-elle faire l’unanimité ?

Broudic liberterien V2  Brug golo 2 V2  b Masson leor V2

Émile Masson et Brug : une revue libertaire en langue bretonne

Mais revenons à l’A cerclé ci-dessus. L’anarchie signifie-t-elle nécessairement le chaos ? Si tout un courant l’assume, nombre d’anarchistes réfutent l’idée et se définissent plutôt comme des libertaires. Il y en a eu en Bretagne et qui se sont exprimés en breton dans la petite revue « Brug Bruyères » qu’avait lancée en 1913 un professeur du lycée de Pontivy, Émile Masson, originaire de Brest. C’était une personnalité hors du commun, en relation avec les grands écrivains de son temps comme Romain Rolland, les anarchistes les plus connus (Kropotkine, Jean Grave), les syndicalistes de la CGT (Monatte à Paris, Le Levé à Lorient), les écrivains bretons (Vallée, Berthou…)

Alors que toute la presse de langue bretonne à cette époque est catholique et conservatrice, Masson publie Brug pour répandre en breton les thèses socialistes et libertaires au sein de la paysannerie. Il réunit autour de lui un rédacteur bretonnant de chaque dialecte : le vannetais Julien Dupuis, le cornouaillais Eostig Kerineg, le léonard Jos Le Braz, le trégorrois Louis-Napoléon Le Roux, sans oublier le peintre Jean-Julien Lemordant qui lui adressait des croquis réalistes de travailleurs bretons. C’est le seul pérodique de cette obédience qui ait jamais été publié majoritairement en breton en un peu plus d’un siècle.

Extraits

  • Ar re baour a labour a-hed o buhez evid pinvidikaad ar re a zo re binvidig dija…
  • Al labourerien eo nerz ar vro, ar gwir bobl…
  • N'eus nemed an dud pinvidig-braz hag o-deus eur Vamm-Vro…
  • Er lezenneu a ve groeit aveid er re beur ne dint nemed hanter-lezenneu…
  • Me garehe e komandehe er bobl ha nompaz er penneu braz…
  • Les pauvres travaillent toute leur vie pour enrichir ceux qui sont déjà riches…
  • Les travailleurs sont la force d’un pays, le vrai peuple…
  • Seuls les très riches ont une Patrie…
  • Les lois que l’on vote pour les pauvres ne sont que des demi-lois…
  • J’aimerais que le peuple gouverne et non pas les notabilités…

J’ai consacré mon mémoire de maîtrise, rédigé en breton, à cette revue Brug. Il a fait l’objet d’une première édition en 1983, puis d’une deuxième en 2003 :

  • Fanch Broudic. Al liberterien hag ar brezoneg. Brug : 19 13-1914. Brest, Brud Nevez, 1983, 286 p.
  • Fañch Broudig. Eun dra bennag a zo da jeñch er bed. Emile Masson ha Brug 1913-1914. Brest, Brud Nevez, 2003, 330 p.

J’ai également participé au colloque organisé à Pontivy en 2003 par J. Didier et Marielle Giraud, dont les actes ont été publiés.

  • Fañch Broudic. Les thèses de Brug. Une revue libertaire en langue bretonne à la veille de la Première Guerre mondiale. Dans Giraud, J. Didier et Marielle (dir.). Hervé, Edmond (préface). Émile Masson, prophète et rebelle. Presses universitaires de Rennes, p. 225-242.

04 mai 2023

Nouveaux échos sur les Priziou : France 3 Bretagne n’y serait pour rien ?

 

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Une trentaine de personnes se sont retrouvées mercredi 26 avril à la mairie de Plougastel-Daoulas pour ce qui s’apparentait plus à une réception conviviale qu’à la conférence de presse annoncée des lauréats nord finistériens des Priziou. Il y en avait eu beaucoup moins à Quimper le matin pour une rencontre analogue concernant le sud Finistère.

Dans le nord du département, Talwyn Baudu, nouveau chargé de développement à l’OPLB, était tout enjoué à l’accueil : il revient d’un séjour d’une dizaine d’années au Pays de Galles, où il a soutenu à l’université d’Aberyswyth une thèse qu’il a préféré, racontait-il, rédiger en anglais plutôt qu’en français. Sa thèse visait à explorer l’impact des systèmes d’éducation dans les langues minoritaires sur la construction du sens chez les jeunes lycéens en langue seconde, en Bretagne et en Corse.

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De gauche à droite, Dominique Cap, Mikael Baudu. Toutes les photos de ce post : FB.

26 % des élèves de Plougastel-Daoulas en classes bilingues

À Plougastel, les lauréats nord finistériens des Priziou 2023, décernés le 31 mars dernier à l’Opéra de Rennes, ont été invités à présenter les réalisations qui leur ont valu d’être primés. Ce n’est pas sans raison que cette rencontre avait été organisée à la mairie de Plougastel-Daoulas !

C’est en effet la commune qui a obtenu le premier prix dans la catégorie « Collectivité ». L’une des raisons pour lesquelles elle a été primée est qu’elle parvient à scolariser 26 % de ses effectifs scolaires en classes bilingues. Une performance. Lors de sa prise de parole, Dominique Cap, le maire, a annoncé qu’il visait désormais désormais le niveau 4 de la charte Ya d’ar brezhoneg [Oui au breton].

Je lui ai demandé pourquoi lui, toujours fier de s’exprimer en breton, ne s’était pas déplacé à l’Opéra de Rennes pour la soirée des Priziou. En aparté, il m’a expliqué que c’était une forme de protestation : il estime que toutes les réunions et les manifestations régionales, tout se passe à Rennes désormais. Comme il ne l’avait pas dit partout sur les réseaux sociaux, personne n’en avait rien su.

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Quatre autres lauréats dans le Nord

André Lavanant (ci-dessus, au centre) a exposé le projet Breizh Odyssée en cours de finalisation à Landévennec, premier prix dans la catégorie « Entreprise ». Il a annoncé qu’une première conférence y sera donnée le 19 mai par l’historien Jean-Jacques Monnier sur le mouvement des Seiz Breur.

Le réalisateur Mikael Baudu, résidant lui-même à Plougastel, premier prix dans la catégorie « audiovisuel » pour son documentaire sur le militant Martial Ménard s’est dit convaincu qu’un des très nombreux élèves des classes bilingues de Plougastel-Daoulas saurait à l’avenir prendre le relais du linguiste disparu en 2016.

Le 3e prix de la catégorie « Association » est revenu aux Chats cosmiques, pour leur jeu « Brezhle », une sorte de Wordle en breton. Ils ont d’ores et déjà d’autres projets en développement.

Le 3e prix de la catégorie « disque chanté » a été attribué à Startijenn, un groupe réputé, pour le CD « Talm ur galon » [Le battement d’un cœur]. Il ne s’était pas déplacé. 

C’était délibéré ou ce fut un oubli ?

Tout s’est passé lors de cette rencontre comme si les Priziou n’étaient l’affaire que de l’Office public de la langue bretonne. Les lauréats sont venus avec le diplôme que l’Office leur avait remis lors de la cérémonie, ainsi que le trophée qu’ils avaient reçu ce soir-là de France 3 Bretagne (photo ci-dessus). Mais, si ce n’est Mikael Baudu faisant allusion au fait que son film avait été co-produit par France 3, ni le représentant de l’Ofice ni personne d’autre à Plougastel ce mercredi-là n’a dit un mot de France 3. C’était délibéré ou ce fut un oubli ? Que seraient pourtant les Priziou sans France 3 Bretagne ?

01 mai 2023

Un premier mai 2023 comme on n’en avait pas vu à Brest depuis bien longtemps

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Sur son site, Le Télégramme se demande si ce n’est pas un 1er mai record. La manif a commencé tout doucement place de la Liberté avec le concert rituel de la chorale Peuple et chansons, interprétant l’Internationale et d’autres chants de protestation. Elle aurait d’ailleurs été mieux entendue si elle avait bénéficié d’une sonorisation plus conséquente, mais ce n’est sans doute pas si facile dans ce contexte. 

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À ce moment-là, la place n’était pas encore noire de monde. Elle le sera, assez vite (photo de droite). Les estimations varient certes du simple au double, mais les manifestants se sont comptés par milliers : entre 15 000 (d’après les services de renseignement) et 33 000 (de source syndicale). Le Télégramme annonce 29 cortèges et pus de 100 000 manifestants en Bretagne historique.

  • Toutes les photos de ce post : FB. 

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L’appel à manifester invitait à se rassembler dans le calme et la sérénité : ce fut le cas. Au début du meeting, les prises de parole sous la banderole de l’intersyndicale n’ont pas donné lieu à des déclarations fracassantes, mais le ton était à la fermeté. Les propos entendus témoignent de l’état d’esprit des syndicats.

  • Ce n’est pas la fête du Travail, mais la fête des travailleurs et des travailleuses, des chômeurs et des chômeuses, des étudiants et des étudiantes.
  • Macron n’a toujours pas compris la colère qui s’exprime dans le pays, il doit respecter la démocratie.
  • Les casserolades se multiplient en force, pour protester contre cette réforme funeste et inutile. Est-ce qu’on va sortir de la crise politique en interdisant les concerts de casseroles ?
  • Ce gouvernement est non seulement ridicule, il est fébrile.

Le ton n’était pas à la résignation, puisqu’un rendez-vous a été annoncé dès mercredi 3 mai à 18h00, au même endroit, pour une nouvelle casserolade dans l’attente de la décision que doit rendre le Conseil constitutionnel sur l’organisation d’un réferendum d’initiative populaire.

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Les organisateurs avaient opté pour un trajet insolite, puisqu'ils devaient se rendre sur le plateau des Capucins en s'engageant boulevard Clemenceau et en longeant la Faculté Victor Ségalen, puis la Maison du peuple et celle des syndicats, avant de franchir le pont de l'Harteloire.

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À gauche, le groupe BaZookada qui s'est constitué en 2016 avec le concours de l'association brestoise Le Mélange et l'appui de la commune de Lampaul-Plouarzel. Il se présente comme un groupe de percussions afro-breizh-îliennes, ayant créé unn melting-pot original à partir de sonorités brésiliennes et d'autres influences (voir leur site). Les manifestants faisaient une pause pour les écouter. À droite, la seule casserole d'un petit garçon précoce que j'ai vue dans le défilé.

Vous pouvez entendre le groupe d'un clic, avant de revenir sur le blog : BaZookada

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Sur la photo de gauche, un syndicaliste brestois bien connu du monde maritime, brandissant un fumigène. Au centre, une toute petite pancarte en breton, et je n'en ai pas vu d'autre : "Macron da zutal" [Macron fous le camp]. À droite, un gwenn-ha-du, le drapeau breton : il y en avait quelques-uns éparpillés dans le cortège. J'ai croisé par ailleurs quelques salariés de l'organisme de formation en langue bretonne Stumdi.

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Femmes en nombre dans la manif. 

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Photo de droite : un manifestant enjoué saluant le photographe.

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  • Photo de droite : il n'y a pas mieux que de manifester avec sa propre sono pour être entendu. 
  • À gauche : les étudiants de l'Union pirate, dont un représentant avait également pris la parole devant la mairie.
  • Ci-dessous : le dernier manifestant, juché sur la dernière camionnette, en fin de cortège.  

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24 avril 2023

« The quiet girl » : le film en gaélique irlandais qui surprend et qui cartonne

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Ne pas se fier aux apparences. Ce film, sous-titré en français, est diffusé en France et sans doute ailleurs sous un titre en anglais : c’était probablement le bon moyen d’attirer l’attention des cinéphiles qui ne savent pas forcément qu’on parle en Irlande une autre langue en sus de l’anglais : le gaélique. Bien qu’étant beaucoup moins parlé que l’anglais, il en est pourtant la langue officielle.

Le titre original en gaélique est d’ailleurs « An Cailín Ciúin ». Et au cas où vous ne le sachiez pas encore, c’est le premier long-métrage de cinéma tourné en gaélique. Son réalisateur, Colm Bairéad, s’en étonne lui-même dans Télérama : « Un film irlandais montré partout dans le monde, on n’avait jamais vu cela ». 

Un événement linguistique

« Ce superbe mélodrame familial » a été plusieurs fois distingué à l’international (voir l’affiche) : il été notamment nominé pour le meilleur long métrage international à la 95e cérémonie des Oscars. L’hebdo télé ne manque pas d’observer que cet événement cinématographique « a aussi un étonnant retentissement linguistique » en Irlande même. 

Colm Bairéad le reconnaît lui-même : jusqu’à présent, déclare-t-il, « notre langue a très peu résonné dans les salles obscures. Il a toujours été considéré que faire des films en gaélique était une impasse commerciale ». Vu le succès de « An Cailín Ciú », de nouveaux projets de films en gaélique sont d’ores et déjà à l’étude.

Un événement filmique

À Brest, les Studios sont le seul cinéma à projeter le film. Je suis allé le voir ce samedi en fin de journée : la salle était bien remplie. Ce n’est pas parce qu’il a été tourné en gaélique que tous ces spectateurs se sont retrouvés dans cette salle. « The quiet girl » est un très beau film social et sonne juste de bout en bout. Ce film de silences qui disent tout et que le réalisateur filme comme autant de suspenses tient le spectateur en haleine de bout en bout jusqu’à la séquence finale.

Cait est le prénom d’une adolescente de 12 ans, merveilleusement incarnée par Catherine Clinch : quelque peu mutique, elle comprend tout. Son père, accro à l’alcool, et pas seulement, claque son argent aux jeux, jusqu’à la valeur de sa plus belle génisse. Sa mère va une nouvelle fois accoucher. Ils la placent pour l’été à trois heures de route chez une cousine. Elle arrive sans la moindre valise et découvre un habitat qui n’a rien à voir avec la misérable maison de ses parents, une ferme bien tenue, un mode de vie humain tout simplement. 

Ses parents adoptifs ne sont pas volubiles non plus, mais ils sont attentionnés. Eux et Cait apprennent à se connaître tout doucement. Cait ne découvre leur histoire familiale, tragique aussi, que par les commérages d’une voisine. Ils savent l’impliquer dans la vie de la ferme pour des travaux qui ne la rebutent pas et pour des tâches à la portée d’une enfant, comme aller chercher de l’eau à la fontaine ou relever le courrier en courant plus vite à chaque fois.

« The quiet girl » est un beau film d’émotion et d’apprentissage sensible. ll s’inspire d’une nouvelle de l’écrivaine d’origine irlandaise Claire Keegan, « Les trois lumières », traduite en français par Jacqueline Odin et parue chez l’éditeur Sabine Wespieser.

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19 avril 2023

Les Priziou 2023 à l’Opéra de Rennes : des échos et des photos. Épisode 2

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Je poursuis ma restitution de l’événement dont l’idée originale a été proposée en 1997 par le service des émissions en langue bretonne de France 3 Ouest (aujourd’hui France 3 Bretagne) et auquel, depuis, se sont associés l’Office public de la langue bretonne (OPLB) et la région Bretagne. Mael Le Guennec, responsable des émissions en langue bretonne de la chaîne, et Paul Molac, en sa qualité de président de l’OPLB ont d’ailleurs pris la parole le 31 mars pour se féliciter que la cérémonie se déroule cette année dans la capitale [administrative] de la Bretagne, à Rennes, et annoncer d’ores et déjà avec une pointe d’humour qu’elle se déroulerait à nouveau l’an prochain dans la capitale [historique] de la Bretagne, à Nantes cette fois.

  • Comme dans le précédent messsage, toutes les photos de ce post sont de ©Didier Echelard. 

Se reporter à ce précédent message pour connaître les premiers lauréats :

  • « Associations » : « Bannou-Heol » et Arno Elegoët pour la réédition hors pair de la cantate « Ar marc’h dall » [Le cheval aveugle].
  •  « Livre de fiction » : séquence émotion pour Yannig Audran
  • « Collectivité » : le breton dans la presqu’île de Plougastel-Daoulas
  • « Entreprise » : le plurilinguisme de « Breizh Odyssée »

 Et voici les trois autres lauréats.

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« Œuvre audiovisuelle » : la stature de Martial Ménard

Ce n’est pas la réalisatrice du documentaire primé l’an dernier qui a dévoilé le lauréat de cette année, mais Elen Kloareg (ci-dessus, à gauche), la jeune femme à qui l’on avait découvert un cancer du sein et qui fut le personnage central du film « Dañsal dindan ar glao » [Danser sous la pluie]. L’an dernier, raconte-t-elle, elle se trouvait sur son lit d’hôpital quand elle a su que ce film obtenait le premier prix. Rayonnante cette année, elle a été applaudie quand elle est montée sur scène pour annoncer que le choix du jury s’était porté sur « E jardrin ur stourmer » [Dans le jardin d’un militant], un documentaire de Mikael Baudu (ci-dessus, à droite), produit par Gwengolo Filmoù, consacré à Martial Ménard.

C’était prévisible, pour plusieurs raisons. Parce qu’il s’agit d’un 52’ (mais ça peut ne pas suffire), alors que les deux autres nominés sont des formats courts. C’est donc en raison de la réalisation, mais aussi de la stature de Martial Ménard comme de son aura, forcément, que le film qui lui a été consacré a été primé. En recevant son prix, le réalisateur, Mikael Baudu, n’a d’ailleurs pas eu besoin de citer son patronyme. Il lui a suffi d’évoquer « Martial » comme s’il était de la famille, je veux dire de la grande famille bretonne. 

Martial Ménard a en outre pour qualité d’avoir consacré « toute sa vie » à la lutte pour le breton, au point, dixit le réalisateur, d’avoir été « ur skouer » et qu’il le restera : un modèle, voire un géant. Enseignant, éditeur, écrivain, linguiste, lexicographe, chroniqueur et militant à plus d’un titre, il est le maître d’œuvre de multiples ouvrages et notamment de « Geriadur brezhoneg an Here » [Le dictionnaire breton des éditions An Here], premier dictionnaire unilingue de toute l’histoire des dictionnaires bretons, tous bilingues jusque là. 

  • Deuxième prix : « Disoñjal » [Oublier], court-métrage de fiction de Madeleine Guillo-Leal, produit par All In One Production et Abordage Films, 2021, d’une durée de 18’, tourné en français et en breton, avec Janig Bodiou dans le rôle principal. Le film évoque la perte de la langue bretonne à travers une relation renouée entre une mère et son fils.
  • Troisième prix : « Buhez ar Sant » [La vie du saint], une série de sujets courts de Riwal Kermarrec et Yann-Herle Gourves qui traite de la vie des saints bretons sur un ton croquant, pour ne pas dire sarcastique.

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« Disque chanté en breton » : le CD plaisant et séduisant d’Élodie Jaffré

Pour révéler le nom de la gagnante de cette année, celui de l’an dernier, Youn Kamm, déjà présent sur la scène des Priziou avec son groupe TREIZ [H], n’a eu à se déplacer que de quelques pas jusqu’au pupitre : c’est « Kanour noz » [Le chanteur de nuit], le CD d’Élodie Jaffré, Awena Lucas et Yann Le Bozec, produit par Selaou et diffusé par Coop Breizh. J’ai eu l’opportunité de l’écouter, je l’ai trouvé séduisant.

« Kanour noz » est une très belle histoire de transmission indirecte. Au départ, c’était le surnom que les habitants du petit port de Kerroc’h donnaient à un pêcheur qui chantait la nuit lors de ses sorties en mer. Jean-Yves Monnat, ornithologue réputé par ailleurs, mais aussi ethnologue proche de Donatien Laurent, avait collecté les chansons en 1974 et 1976 auprès du chanteur de nuit, Louis Le Hirez (1907-1983), puis les avait retranscrites. 

Quand Élodie Jaffré découvre que cet homme était son arrière-grand-oncle, cela lui a donné l’envie de créer un spectacle autour du personnage, de sa vie et de son expression. La création a eu lieu dans le cadre d’une résidence au centre Amzer nevez de Plœmeur. Avec sa voix, la chanteuse, accompagnée à la harpe celtique par Awena Lucas et à la contrebasse par Yann Le Bozec, a imaginé un univers autour de lui, seul en mer sur son bateau. La création est devenue un spectacle et un CD, un objet bien plaisant, aujourd’hui primée. Le résultat est tout à fait concluant.

  • Deuxième prix : Modkozmik, pour Volume 1. Ce groupe de fest-noz est très actif depuis 2017 sur la scène musicale bretonne.
  • Troisième prix : Startijenn, pour Talm ur galon [Le battement d’un cœur]. Les membres de ce groupe se présentent comme les maîtres incontestés du dancefloor breton.

Priziou 2023-18

« Les brittophones de l’année » : Alvan & Ahez, de l’art de transmuer un insuccès en triomphe

En 2022, France 3 s’était fait doubler par France 2 en sélectionnant un groupe breton alors inconnu pour représenter la France à l’Eurovision de Turin. Il est vrai qu’Alvan & Ahez avaient terminé avant-derniers : leur manque de notoriété à l’international explique sans doute leur contre-performance. Ils avaient tout de même fait le buzz en Bretagne et bien au-delà : ils peuvent se targuer de 12 millions de vues sur YouTube et de 9 millions d’écoutes sur Spotify — ce qu’aucun autre chanteur ou musicien breton n’a jamais fait. Ce qui leur a valu d’avoir leur page Wikipedia et de recevoir quelques médailles et autres distinctions.

Les Priziou se définissent certes comme les Prix de l’avenir du breton. Comme les Victoires de la musique, ils ne peuvent cependant récompenser que des réalisations de l’année écoulée.

Et voilà que la chanson « Fulenn » [Étincelle] vaut à Alvan & Ahez d’être honorés comme brittophones de l’année pour avoir braqué une deuxième fois les projecteurs de l’Eurovision sur la langue bretonne, Dan ar Braz l’ayant déjà fait en 1996. 

Les trois chanteuses Sterenn Le Guillou, Sterenn Diridollou et Marine Lavigne, en l’absence d’Alexis Morvan Rosius qui fut leur compagnon dans cette aventure, sont montées sur la scène des Priziou pour décrire l’émotion qui fut la leur en moment de monter sur celle de l’Eurovision : c’est la France qu’elles représentaient tout de même avec une chanson en breton devant des millions et des millions de téléspectateurs. Ce fut aussi pour elles l’occasion d’honorer les générations passées de bretonnants qui furent, selon leurs propres termes, humiliées et opprimées parce qu’elles parlaient leur langue.

En contrepoint, elles ont remercié ceux qui ont lutté pour qu’elle ne disparaisse pas et qu’elle puisse se diffuser grâce aux artistes au-delà des frontières. Elles ont enfin témoigné de leur reconnaissance aux élèves, collégiens et lycéens de Diwan et des autres filières bilingues qui les ont accompagnées lors de l’Eurovision pour que « l’étincelle devienne un feu de joie ».    

Et ce fut le mot de la fin, avant la photo de groupe.

Priziou 2023-20

La composition du jury

  • Nolwenn Horellou-Lagadec, karget eus ar c’hehentiñ e Diwan / chargée de communication à Diwan. 
  • Paskal an Intañv, skrivagner / écrivain.
  • Damien Mattheyses, soner / musicien.
  • Ingrid Audoire, Ofis Publik Ar Brezhoneg / Office public de la langue bretonne.
  • Mannaig le Dortz, kenurzhierez sevenadurel Ti ar Vro Bro Pondi/coordinatrice culturelle Ti ar Vro Bro Pondi. 
  • Régine Guillemot, stummerez war ar brezhoneg / formatrice en langue bretonne
  • Florian Ebel, soner/musicien.

Priziou 2023-3

Le lauréat de chaque catégorie s’est vu remettre en direct un trophée réalisé par le designer Owen Poho pour le compte de France 3 Bretagne. Au nom de la région Bretagne, l’Office public de la langue bretonne remet également des chèques de 1 500 € au premier prix et de 500 € et un diplôme aux deuxièmes et troisièmes prix.

L’émission a été réalisée par Avel Corre, avec le concours des équipes techniques de France 3 Bretagne.

En raison de divers aléas de calendrier et de la retransmission en direct du marathon de Paris sur France 3, la cérémonie des Priziou n’a pas pu être diffusée à l’horaire habituel du magazine Bali Breizh, le dimanche 2 avril. Elle l’a été dès la veille, samedi 1er avril, à 20 h 30 sur le site bretagne.france3.fr, puis à 0 h 20 sur l’antenne de France 3 Bretagne. 

Selon mes informations, l’audience fut supérieure à ce qu’elle est habituellement à cet horaire tardif, correspondant à 60 000 téléspectateurs cumulés. Sur le net, elle a été modeste.

Pour voir ou revoir la cérémonie des Priziou : cliquer ici.

Priziou 2023-9

L’Office public de la langue bretonne assure le service après-vente et annonce un point presse mercredi 26 avril à 10 h 30 à Quimper pour échanger avec les lauréats des Priziou dans le sud Finistère et à 18 h à Plougastel-Daoulas pour ceux du nord Finistère. Nul doute qu’il fera de même dans chacun des autres départements concernés. S’il faut comptabiliser par département, le Finistère est le champion : il a trusté 10 des 21 prix attribués. 

Posté par Fanch Broudic à 16:48 - Commentaires [0] - Permalien [#]
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