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Le blog "langue-bretonne.org"
10 février 2019

Langue bretonne : question hautement inflammable ?

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Ce n’était pas vraiment le cas vendredi après-midi, lorsque le Conseil régional a débattu du budget des langues de Bretagne. Le débat a été, somme toute, tout à fait paisible. La vice-présidente Lena Louarn s’est félicitée de l’augmentation de ce budget de 150 000 € par rapport à 2018, tout en soulignant qu’il « reste du chemin à parcourir » et qu’en ce qui concerne la convention État-Région, « le compte n’y est pas sur certains points ». Pour ce qui est du gallo, Kaourintine Hulaud a fait état d’un « vrai projet de développement pour notre langue ». 

Lors de la discussion, Paul Molac a présenté les deux langues comme étant « les couleurs de la Bretagne ». Catherine Saint-James a demandé « d’intensifier l’effort », en soulignant que nos langues sont « au défi d’un cadre juridique ». Pour sa part, Isabelle Le Bal a considéré le budget des langues comme « insuffisant » et demandé - sans illusion - qu’il soit augmenté de 500 000 €. De fait, l’amendement qu’elle a proposé en ce sens a été rejeté et le budget voté en l’état. L’opposition de droite et du centre s’est abstenue.

Politique linguistique : la fin de l’unanimité ?

Ce vote est dans la continuité de celui intervenu le 14 décembre dernier lorsque le Conseil régional a adopté les nouvelles orientations de sa politique linguistique en faveur des langues de Bretagne. On n’en a quasiment pas parlé à ce moment-là, même dans la presse, puisqu’il n’était alors question que de la pétition des 100 000 signataires réclamant la réunification administrative de la Bretagne et de la délibération qu’adopterait le Conseil départemental de Loire-Atlantique.

Ce 14 décembre-là déjà, à Rennes, l’opposition de droite et du centre s’était abstenue. Depuis l’adoption du premier plan de politique linguistique de la région le 17 décembre 2004, c’est la première fois, me semble-t-il, que cette politique linguistique n’a pas été votée à l’unanimité. Faut-il le voir comme un signe que les temps changent ?

Des annonces en rafale

Depuis une quinzaine de jours pourtant, l’actualité autour de la langue bretonne a paru s’emballer. Coup sur coup, plusieurs annonces ont été faites en rafale.

  • Le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine a validé le principe de l’ouverture d’un nouveau collège Diwan dès 2020 à Guipry-Messac, dans les locaux « ultramodernes » du collège public et avec un internat en 2023.
  • Pour compenser la suppression des emplois aidés dont bénéficiait Diwan, l'Éducation nationale va lui attribuer, via la Région, une dotation complémentaire de 300 000 €. C’est, de facto, une reconnaissance de plus de la filière d’enseignement du breton par immersion des écoles associatives (sachant que les enseignants sont déjà rémunérés par l'État, sauf lors de l’ouverture d’une nouvelle école).
  • Par ailleurs, sur proposition de plusieurs parlementaires de la majorité, un amendement sera discuté dès la semaine prochaine à l’Assemblée nationale pour que les écoles Diwan puissent bénéficier du forfait scolaire, comme le font les écoles publiques. Les élus locaux étaient souvent réticents, de peur que leurs écoles communales perdent des effectifs. Le nouveau dispositif leur imposerait de verser ce forfait, au prorata du nombre d’enfants de la commune inscrits dans une école Diwan établie sur une autre commune.
  • L’État, enfin, serait disposé à engager une réflexion pour que les signes diacritiques du breton (et des autres langues régionales ?) puissent être utilisés dans l’état civil au bénéfice de prénoms bretons.

Le lobbying plus efficace qu'une manif ?

Il n’y a pourtant pas eu depuis longtemps de grandes manifestations ni de campagnes de revendications en faveur de la langue bretonne, comme il y en a eu périodiquement à Quimper, Rennes ou Carhaix. Quelques actions locales tout de même : des parents d’élèves Diwan de Châteaulin et du Faou ont ainsi interpellé les municipalités des alentours ces derniers jours, précisément au sujet du forfait scolaire.

La dramatisation est venue d’ailleurs. En premier lieu du Conseil culturel de Bretagne. Le 26 janvier, l’assemblée consultative que préside Bernez Rouz s’est fâchée tout rouge. D’abord parce que l’augmentation de 2,3 % du budget des langues de Bretagne à la région ne lui paraissait pas à la hauteur des enjeux d’avenir. Ensuite, parce que l'État donne l’impression de freiner des quatre fers et de placer « des cadenas partout ».

Puis ça a été au tour de Jean-Yves Le Boulanger de décréter l’état d’urgence en assurant sur son compte twitter que les écoles Diwan risquaient de se trouver sans tarder en cessation de paiement s’il ne se passait rien. Le premier Vice-président à la région ajoutant qu’il « en va de la survie de la langue bretonne ». 

Un véritable « bras de fer » s’est engagé entre la région, des parlementaires et l’État, notamment les services de l'Éducation nationale, Loïg Chesnais-Girard menaçant même de ne pas signer le Pacte d’accessibilité pour la Bretagne qu’Édouard Philippe, venait parapher ce vendredi. Finalement le président de la région Bretagne et le Premier ministre, l’ont signé vendredi après-midi. Et ils en ont signé un deuxième dans la foulée, sous le nom de Contrat d’avenir régional, actant les différentes mesures attendues concernant les langues de Bretagne, et notamment les écoles Diwan.

Il faut croire qu’un lobbying associant étroitement les acteurs de terrain et les élus s’est révélé plus efficace qu'une manifestation. Le contexte volatil du moment n’y est sans doute pas pour rien. L’État a lâché du lest. Mais seules les urgences ont été traitées. Bien d’autres questions restent en suspens, ne serait-ce que cette épineuse question de la mise en concurrence des langues régionales avec les langues étrangères au baccalauréat. Lena Louarn déclare qu’il « faut réformer la réforme », mais qui va en décider ? Catherine Saint-James fait le constat de « la forte précarité juridique » des langues de France, mais on ne parvient pas à la surmonter.

La première échéance immédiate est celle de la mise en œuvre effective des dispositions du Contrat d’avenir. Deux autres suivront sans tarder : la négociation de la nouvelle convention État-Région, la mise en place de la Conférence territoriale des langues de Bretagne. La langue bretonne et le gallo resteront-ils toujours une question hautement inflammable ?

Commentaires
Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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