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Le blog "langue-bretonne.org"
28 juin 2023

Le centenaire de la naissance d’André Le Mercier, précurseur de l’enseignement du breton et bien plus encore

Merser-Andreo-13

Il est né à Saint-Quay-Perros, dans le Trégor, le 26 juin 1923. Il a été connu comme Andreo Merser, selon l’appellation bretonne de son prénom et de son patronyme. Après son lycée à Brest, puis des études universitaires à Rennes, il devient instituteur en 1944. Il enseigne quelques années en Algérie, avant d’être nommé à son retour, en 1956, à l’école publique de Glomel (Côtes-d’Armor). Il y a alors été l’un des trop peu nombreux instituteurs qui s’impliqua pour initier ses élèves à la lecture et à l’écriture du breton, cinq ans après le vote fortement contoversé de la loi Deixonne n’autorisant pourtant qu’un enseignement très modeste de quatre langues « locales » .

  • Ci-dessus, Andreo Merser près de sa résidence du Conquet.
  • Toutes les photos de ce post : DR
  • Mis à jpour : 2 juillet 2023.

Merser-Goueliou-Kerne

Andreo Merser, en habit breton, aux Fêtes de Cornouaille à Quimper.

Conseiller pédagogique du breton

Il faut dire que la plupart des élèves, à ce moment-là dans le centre Bretagne et ailleurs, savaient plus ou moins le breton en arrivant à l’école. Adepte de la méthode Freinet, il publie le journal d’enfants Fiseled Groñvel dont le souvenir est resté vivace, lance avec l’Amicale laïque une troupe de théâtre qui joue des pièces de Tanguy Malmanche et de Pierre Hélias et contribue au renouveau du fest-noz en centre Bretagne.

Nommé à Brélévenez (Lannion), puis à Brest, André Le Mercier devient conseiller pédagogique de breton en 1976. Il rédige un rapport qui fit sursauter le Recteur de l’Académie de l’époque : il lui suggérait tout simplement de créer quelques centaines de postes de manière à pouvoir proposer une formation en langue bretonne aux très nombreux enseignants qui la connaissaient alors et qui auraient pu l’enseigner à leur tour. Bien évidemment, le projet ne vit jamais le jour.

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Un panneau de l'exposition "Kanañ er skol" (par TES), avec une photo d'André Le Mercier en posture d'instituteur. 

Auteur de méthodes, d’une grammaire et d’un dictionnaire breton

Il lance la revue pédagogique Ar Helenner [L’enseignant] et préconise, entre autres, l’enseignement du breton par le chant. Ce qui, en 2019, a conduit les éditions pédagogiques TES à Saint-Brieuc à organiser sous l’égide de Maryvonne Berthou l’exposition « Kanañ er skol » [Chanter à l’école]. Elle tourne, depuis, dans toute la Bretagne : on peut la voir en ce moment et jusqu’au 7 juillet à la médiathèque de Plouarzel (Finistère).

Andre-Le-Mercier-Merser-1 

Merser présente son dictionnaire breton au Festival du livre de Carhaix auquel il participait chaque année.

Merser, comme tout le monde l’appelait, a par ailleurs publié plusieurs méthodes de breton, une grammaire, un précis de prononciation, une étude sur les graphies du breton, un dictionnaire bilingue. À l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, il avait préparé et publié une anthologie des textes en langue bretonne de cette période-là en deux volumes : les textes originaux étaient reproduits dans l’un en fac-similé alors que l’autre proposait la transcription des textes en orthographe universitaire (et non pas dans leur version française comme on peut le lire parfois).

Merser-ar-skol-vrezoneg

Devant les locaux d' Emgleo Breiz, Brud Nevez  et Ar skol vrezoneg, près de la place de Strasbourg à Brest.

Actif au sein des associations Ar Falz et Emgleo Breiz 

Au lendemain de la dernière guerre, André Le Mercier, du fait de son intérêt pour le breton, côtoie les responsables de périodiques et de groupements nationalistes qui réapparaissent à ce moment-là, mais il ne tarde pas à s’en éloigner pour rejoindre le mouvement des instituteurs et professeurs laïques Ar Falz qu’Armand Keravel venait de relancer pour sa part aux côtés de Pierre-Jakez Hélias et de Charlez ar Gall notamment. Les mêmes se retrouvent en même temps que Visant Seité (du Bleun-Brug), mais aussi la BAS et Kendalc’h, pour créer la fédération Emgleo Breiz au début des années 1950.

Tant qu’il a été en activité, Le Mercier prenait part au fonctionnement d’Emgleo Breiz. Il en deviendra le président en 1987 et le restera jusqu’en 2002. Il suit également la publication de la revue Brud, dont il fut le secrétaire et qui devient Brud Nevez en 1977. Il créera l’association Ar skol vrezoneg pour organiser des cours de breton par correspondance et des cours du soir à Brest.

Merser-urziater

À compter du jour où il avait découvert les potentailités de l'ordinateur, Merser ne cessa jamais de l'utiliser au quotidien, allant jusqu'à créer son propre atelier artisanal d'impression qui ont fait de lui un des principaaux éditeurs d'ouvrages en breton. Le site http://embann.an.hirwaz.online.fr/ qu'il avait créé pour mettre à la disposition de tous des textes et ouvrages en breton introuvables est toujours accessible en ligne grâce à son fils Alain, merci à lui.

Il ne pouvait pas ne pas s’impliquer pour la langue bretonne et tant qu’à faire pour un breton vivant. En 1999, en pleine polémique comme il y en a de temps à autre autour de cette langue, il explique dans la revue pourquoi il lui plaît tant de s’investir pour le breton. Francis Favereau en a repris un extrait dans le tome 3 de son Anthologie de la littérature bretonne.  

  • Perag neuze ober war-dro ar brezoneg ?
  • "Da genta toud, n’eo ket maro c’hoaz, ha tra ma chom beo ne welan ket perag ne rafem ket gantañ […] Eur blijadur, ya, eur blijadur, e vez ober war-dro ar brezoneg. Tud ‘zo o-devez plijadur o komz anezañ, skrivagnerien o-devez pljadur o sevel skridou, re all, eveldon-me o-devez plijadur oh embann o leoriou – ouspenn 300 leor am-eus embannet abaoe m’emaon e retred – ha tud all o-devez plijadur o lenn anezo. Ma ne vefe ket eur blijadur da genta toud ne dalvezfe ket ar boan ober war-dro".
  • Pourquoi alors s’occuper de breton ? 
  • "D’abord, il n’est pas encore mort et, tant qu’il reste vivant, je ne vois pas pourquoi nous ne l’utiliserions pas […] Un plaisir, oui, c’est un plaisir de s’occuper de langue bretonne. Certains prennent du plaisir à la parler, des écrivains à écrire des textes, d’autres comme moi à publier leurs livres — j’ai édité plus de 300 titres depuis que je suis à la retraite — et d’autres enfin à les lire. Si ce n’était d’abord ce principe de plaisir, cela ne vaudrait pas la peine de s’y intéresser."

Merser-80-vloaz-2

Remise d'un tableau du sémaphore de la presqu'île de Kermorvan (Le Conquet) à Merser pour ses 80 ans.

Andreo ar Merser par ceux qui l’ont connu

Voilà qui résume bien la personnalité tout entière d’Andreo ar Merser. Quand il est décédé le 31 décembre 2018 à l’âge de 95 ans, plusieurs de ceux à qui il avait appris le breton en cours du soir, en stage ou par correspondance lui ont témoigné leur reconnaissance en breton dans Brud Nevez. (Traduction par mes soins).

  • « J’ai fait la connaissance d’un homme, d’une langue, d’un pays. » Le Canadien bretonnant Jeffrey Shaw, Toronto.
  • « Sans lui, il est peu probable que je sois devenu l’écrivain que je suis. » Mikael Madeg, dont plus de 160 ouvrages ont été édités par Emgleo Breiz.
  • « Mon professeur de breton. Qu’est-ce qui le motivait ? Ses qualités, sa bonté, son inclination à tout voir du bon côté ? Ou le combat qui fut le sien ? L’un et l’autre sans doute. » Loeiz Grall.
  • « J’ai une dette à son égard. J’ai commencé à suivre ses cours du soir. Je comprenais de mieux en mieux. Je dois cet eurêka à Monsieur Le Mercier qui m’a donné l’envie de progresser. » Laurence Lavrand.
  • « C’était un homme organisé qui regardait vers l’avenir. Il était tout heureux de fréquenter des bretonnants, des auteurs, des lecteurs. Il prenait tout ce qui arrivait avec sagesse et de l’humour. » Maguy Kerisit.

Merser-Andreo-19

Pour en savoir plus :

  • Disparition d’André Le Mercier, un acteur majeur du monde bretonnant. Lire sur ce blog.
  • F. Favereau. André Le Mercier, dans Anthologie de la littérature bretonne au XXe siècle. 1945-1968. Morlaix, Skol Vreizh, vol. 3, 2008, p. 476-478.
  • F. Favereau. Andreo ar Merser, e Lennegezh ar brezhoneg en XXvet kantved, 1945-1968. Montroulez, Skol Vreizh, levrenn 3, p. 474-476
  • En eñvor Andreo ar Merser, skolaer hag embanner, ha muioh evid se c’hoaz. Testeniou ha poltriji. War al lehienn www.brudnevez.org  
  • Andreo ar Merser : kimiad. Er gelaouenn Brud Nevez, n° 317, miz meurz 2009, p. 26-36.
Commentaires
F
Ahanta, Youenn, trugarez dit-te evid da eveziadennou. Difazia ma fennad am-eus greet, anad dit. A-wechou ne daoler ket pled tra-walh pa vezer o skriva. Eûruzamant e vez lennerien hag a ra !
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Y
Ahanta Fañch, bennoz Doue did evid an destenn-mañ. Eun nebeud a draou a zo da cheñch memestra : n’eo ket er bloavez 1998 eo marvet med er bloavez 2018. Ha ne c’hell ked bezañ bet prezidant Emgleo Breiz etre 1987 ha 1982.
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M
Trugarez vraz Fañch evid ho pennad e memor Merser. Soñjet em-oa e penn kenta 2023 e vefe bet Merser kant vloaz, med n'em-oa ket soñj pegoulz e oa ganet resiz. Eur gwall labourer e oa, hag unan sioul ouspenn. Ezomm zo tud eveltañ e bed ar brezoneg.<br /> <br /> Soñj am-eus penaoz e plije dezañ c'hoarzin, ha kleved a ran e hoarz atao ! En tu bennag ema ganin atao ar foto e-noa roet deom dioutañ pa oa 15 vloaz, evid niverenn Brud Nevez diwar-benn an oad-krenn. Soñjal e vefe bet 100 vloaz ar hrennard-se !
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Le blog "langue-bretonne.org"
Le blog "langue-bretonne.org"

Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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