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Le blog "langue-bretonne.org"
22 septembre 2022

En l'honneur des précurseurs de la radio et de la télé en breton : un "Liorzh Charlez ha Chanig ar Gall" à L’Hôpital-Camfrout

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Mis à jour le 25 septembre 2022.

Tous deux ont présenté les programmes en langue bretonne à la radio et à la télévision jusqu’en 1975. Rien ne prédestinait pourtant Charles Le Gall (1921-2010) à la notoriété ni à ce qu’un jardin [liorz(h), en breton] soit inauguré à son nom et à celui de sa femme, samedi dernier, dans sa commune d’origine. 

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L’actuel maire de la commune, Jean-Jacques Léon, tout comme une de leurs filles, Franseza Haslé-Le Gall, l’ont rappelé lors de leur allocution : il y est né en 1921 au village de Mêzougwenn, à quelques kilomètres de l’abbaye de Daoulas, dans une famille où l’on était agriculteurs et où on ne parlait que le breton de génération en génération. C’est l’école qui lui a inculqué le français comme langue seconde à compter de ses six ans. 

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Comment Charles Le Gall devient Charlez ar Gall

Il parvient à si bien maîtriser le français que son parcours scolaire le conduit jusqu’à l’École normale et qu’il devient lui-même instituteur au début des années 1940, tout d’abord dans sa commune d’origine. Nommé à Argol, dans la presqu’île de Crozon, il y fait la connaissance de Jeanne-Marie Guillamet (1922-2012) : ils se marient en 1942. Il fera toute sa carrière dans l’enseignement technique jusqu’à son départ à la retraite, avec la conviction que même les jeunes victimes de circonstances défavorables peuvent toujours reconquérir leur dignité.

À la Libération, il se retrouve dans le mouvement Ar Falz que vient de relancer Armand Keravel en même temps que nombre d’autres enseignants du public comme Pierre-Jakez Hélias et Pïerre Trépos. Ces derniers animent tous les deux à compter de 1946 une émission hebdomadaire en breton sur Radio-Quimerc’h. Quand ils s’arrêtent une douzaine d’années plus tard, c’est lui, Charles Le Gall, qui prend le relais, en sus de son activité d’enseignant.

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Homme de radio et de télévision, mais pas seulement…

Il sera désormais connu et reconnu comme Charlez ar Gall. Sa femme apprend le breton pour le seconder en tant que Chanig ar Gall. En 1964, lorsqu’est lancé le journal de Télé-Bretagne, il devient le tout premier présentateur en langue bretonne de la télévision : il se rendra à Rennes tous les vendredis pendant sept ans pour présenter en direct la fameuse chronique d’une minute trente. En janvier 1971, quand se crée enfin un véritable magazine télévisé en breton sous le nom de "Breiz o veva" [La Bretagne qui vit], il en est le coordinateur et Chanig en devient la speakerine.

Pendant une quinzaine d’années, Charlez ar Gall a réalisé un travail essentiel pour le développement de la radio et de la télévision en breton. Étant un éminent bretonnant, s’exprimant dans une langue authentique à l’oral comme à l’écrit, il a aussi beaucoup écrit. Peu de livres, mais quantité d’articles dans les revues Ar Falz, Brud et Brud Nevez. Il a également été ethnologue, réalisant de nombreuses enquêtes originales sur l’escargot ou la salamandre, par exemple, ou encore sur la tradition aujourd’hui oubliée du pain bénit le dimanche.

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L’inauguration du jardin Charlez ha Chanig ar Gall

Après les prises de parole, ce sont le maire, Jean-Claude Léon, et Franseza Haslé-Le Gall qui ont dévoilé le panneau de bois sur lequel sont gravés leurs noms, en présence d’une bonne soixantaine de personnes : des élus, des descendants de leurs voisins à Mêzougwenn et d’autres habitants de la commune, l’un de leurs petits-enfants, Brieg Haslé-Le Gall, des amis de la famille, des passionnés de langue et de culture bretonnes, des acteurs de la vie culturelle brestoise tels que Jacques Kerampran et Gaëtan Le Guern… 

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Tous ont eu la surprise d’entendre sur une enceinte Bluetooth, à l’initiative de Colette Gohel, adjointe à la culture de L’Hôpital-Camfrout, un extrait d’un enregistrement de Charlez qui leur a remis en mémoire la voix et le ton qui le caractérisaient si bien, avec l’émotion que l’on imagine.

Les lecteurs de ce blog qui souhaiteraient entendre eux aussi la voix de Charlez ar Gall commentant une information pour le magazine Breiz o veva peuvent se rendre sur la fresque "L'Ouest en mémoire" de l'INA : il s'agit de la marche organisée par le mouvement Galv le 31 mai 1971 entre Plouay et Lorient pour exprimer les revendications du moment en faveur de la langue bretonne. Paragraphe mis à jour le 25 septembre 2022.

Trois panneaux d’interprétation patrimoniale ont également été placés en enfilade dans ce qui était jusqu’à présent la Coulée verte, dont le premier à l’entrée, dédié à Charlez et Chanig. 

C’est devant celui-ci que Franseza a remis au maire et pour la bibliothèque un exemplaire de l’ouvrage "Breiz o veva, Vivre la Bretagne" dans lequel ont été réunis les écrits en français et en breton de son père. Ces panneaux sont bilingues : si la version bretonne avait été rédigée dans l’orthographe à laquelle il n’a jamais dérogé, ç’eut été plus conforme à sa mémoire. Une prise de parole en breton, que plus d’un aurait pu assurer, aurait également été bienvenue.  

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S’en est suivi une déambulation à travers la jardin à la découverte de deux autres panneaux d’interprétation, l’un dédié à l’écrivain Gustave Flaubert, l’autre au peintre Eugène Boudin. Et pourquoi donc ? Tout simplement parce qu’ils sont venus à L’Hôpital-Camfrout.

Flaubert n’a fait qu’y passer, en compagnie de son ami Maxime du Camp, s’en allant vers Daoulas. Il n’y consacre que quelques lignes dans son récit "Par les champs et par les grèves", évoquant la rivière et le pont. Dommage que le texte du panneau n’évoque pas la salamandre qu’ils y avaient observée. D’ailleurs, y-a-t-il toujours des salamandres dans la rivière de Daoulas ?

Eugène Boudin est un des précurseurs de l’impressionnisme. Venant régulièrement en Bretagne, il y fait la connaissance d’une jeune fille de Hanvec, Marie-Anne Guédès, qu’il épouse et qui lui fait découvrir les localités des alentours. Il peint plusieurs tableaux à L’Hôpital-Camfrout.

Franseza Haslé-Le Gall a apprécié que ses parents se trouvent en si bonne compagnie en leur jardin.

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Si déambulation il y a eu, c’est au son d’un duo de cornemuses qui résonnait bien dans ce cadre champêtre. Il était constitué d’un père et de son fils, à savoir Dominique et Per-Yeun Mevel, ce dernier résidant tout près du village de Mêzougwenn. Son fils était également présent, mais bien trop jeune pour jouer déjà de la cornemuse. Un jour, qui sait ? Ce serait une transmission familiale.

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Ceux qui ont ensuite partagé le moment de convivialité auquel les avait invités le maire ont pu entendre le même Dominique Mevel interpréter a capella la berceuse japonaise "Hamabe no Uta", en compagnie du maître breton en haïku, Alain Kervern, et que le groupe An Triskell avait enregistrée autrefois sur un de leurs disques. De toute évidence, ce n’était pas le même breton qu’ici. Mais c’était un beau point final à cette matinée.

Pour en savoir plus :

  • Charlez ar Gall. Breiz o veva. Vivre la Bretagne. Textes rassemblés et présentés par Fañch Broudic. Brest, Emgleo Breiz, 2011, 290 p., ill., DVD. inclus.
  • Marie-Jeanne Guillamet. L'Argolienne. Préface de Jean-François Coatmeur. Illustrations de Jean-Pierre Guiriec. Brest, Éditions du Liogan, 1992, 245 p. Réédition 2010.
  • Per-Jakez Hélias. Lagad an tan. L'œil du feu. Anthologie bilingue présentée par Chanig ar Gall. Brest, Brud Nevez, 2004, 125 p.
  • Fañch Broudic. Gustave Flaubert par les champs et par les grèves. À lire sur ce blog d'un simple clic.

Toutes les photos de ce post : FB.

Hola

Commentaires
D
N'en déplaise aux contempteurs de l'audiovisuel public régional, celui-ci n'a jamais cessé de faire une (petite) place à la langue bretonne depuis des décennies. Cette présence, même modeste, d'une production spécifique en breton tant à la radio qu'à la télé mériterait peut-être d'être saluée et, mieux encore, racontée, par exemple dans un documentaire ...Qu'en penses-tu cher Fanch Broudic ?
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Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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