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Le blog "langue-bretonne.org"
14 février 2011

Bilingue : problème de financement

Comme il n'y a pas d'écoles bilingues partout, nombreux sont les élèves extérieurs à la commune dans celles qui existent. C'est l'un des problèmes auxquels sont confrontés les parents qui veulent inscrire leur(s) enfant(s) en classe bilingue : celui du financement des élèves par leur commune d'origine. Toutes les communes ne le font pas.
Bruno, qui a déjà posté sur ce blog un commentaire à ce sujet (voir message du 28 janvier 2011), explicite son point de vue :

Je suis le père de 3 enfants bilingues. Ils sont scolarisés en filière "privée." Je suis monolingue, mon épouse est bilingue après une formation Stumdi. Je suis en responsabilité dans l'école de mes enfants.
J'ai rencontré les responsables de ma commune d'origine, et [sur la question du financement dans le cas d'une école privée] ai essuyé à chaque fois un refus de subvention des enfants bilingues. Les raisons sont variées :
- "légales" : pas d'obligation clairement (?) données par un représentant de l'État. Sur ce sujet, je pense qu'un préfet, département ou région, pourrait très bien contraindre les mairies à s'exécuter car c'est le Préfet qui tranche et valide les subventions versées par les communes aux écoles sous contrat… Il suffirait donc d'un arrêté préfectoral pour clore le débat…
- "effet de mode" : l'initiation à l'anglais, porté aux nues par les classes dirigeantes, pousse petit à petit l'initiation au breton hors des filières mono (décisions issues soit des IEN, soit des mairies qui subventionnent moins les intervenants bilingues… car moins à la mode).

Voici quelques points que j'ai notés au fil des années :
- "projet d'avenir" : difficultés des parents à projeter leur enfant en breton dans un parcours de réussite (on note en général en CP et 6e des "retours" en mono car les parents ont peur de ne pas pouvoir suivre…) [notez au passage qu'ils n'ont pas peur de l'anglais qu'ils ne parlent pas non plus
- "concurrence bilingue/monolingue" : les deux filières s'opposent généralement au sein d'une école. En général, les bilingues plus dynamiques (enfants, enseignants, parents), suscitent des jalousies entre parents ou enseignants : plus de moyens pour le bil ! Ne parlez pas breton entre vous, etc.
- méconnaissance très grande des parents sur le breton : les origines du rejet chez les anciens ("culture de la honte", qu'on peut rapprocher par ailleurs de leur goût immodéré pour l'anglais), l'apport pédagogique chez l'enfant…

Je reprends quelques points pouvant appuyer un échange sur la "légitimité de subventionner des enfants bilingues".
Depuis 2001, l'Éducation nationale a défini la mise en œuvre de l'enseignement bilingue et son organisation. Depuis 2004, la région Bretagne reconnaît le breton comme langue officielle. Depuis le 23 juillet 2008, la France indique dans sa constitution que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France."
L'article L212-8 du Code de l'éducation indique que le financement ne s'applique pas "à la commune de résidence si la capacité d'accueil de ses établissements scolaires permet la scolarisation des enfants concernés." Ce même article indique que "pour justifier d'une capacité d'accueil au sens du présent alinéa, les établissements scolaires doivent disposer à la fois des postes d'enseignants et des locaux nécessaires à leur fonctionnement."
Il est donc légitime de considérer qu'une commune n'ayant pas de classes bilingues dans un de ses établissements n'a pas la capacité d'accueil lui permettant de s'exonérer du devoir de financement des enfants scolarisés dans des établissements (sous contrat) d'une autre commune disposant de cette capacité.


Voilà donc le point de vue de Bruno. Cette question de subvention que ne versent pas certaines communes pour des élèves bilingues scolarisés à l'extérieur est apparemment complexe. Faire évoluer le Code de l'éducation sur ce point d'une manière générale aurait sans aucun doute des implications bien trop grandes du point de vue de la carte scolaire, et ce n'est pas à l'ordre du jour. C'est sans doute la raison pour laquelle au moins l'une des propositions de loi déposées ces derniers mois en faveur des langues régionales à l'Assemblée nationale prévoit expressément des dérogations à cet égard en faveur des élèves de classes bilingues. Mais il ne semble pas que ces propositions de loi doivent venir prochainement en discussion devant le Parlement : le gouvernement vient de l'exclure.
À moins que ce soit déjà fait, les différents acteurs de l'enseignement bilingue devraient sûrement mener une réflexion spécifique sur ce problème en vue d'engager des démarches auprès des instances compétentes.
Dans mon rapport, je traite des autres aspects que soulève Bruno, concernant le comportement des parents et des enseignants par rapport au bilinguisme breton français à l'école. Je pense qu'il y a un vrai travail d'information à mener sur ces questions, et c'est notamment la raison pour laquelle je préconise que soit diffusé un livret du parent d'élève bilingue. Plus généralement, il faut s'interroger sur les raisons qui conduisent les parents à inscrire leur enfant en classe bilingue : est-ce seulement pour le bilinguisme ? ou est-ce aussi pour le breton ?

Commentaires
B
Si l'on en juge par ce qui se passe à Quimper (dont parle la presse), au sud du pays (le Finistère !), la situation me semble proche de celle que je notais :<br /> - intérêt pour l'anglais, alors que cela n'apporte rien : depuis quand Quimper est une ville internationale ? pour le tourisme me direz-vous ? alors il manque l'allemand (là je parle en tant qu'ancien président d'office de tourisme intercommunal)<br /> - manque de stratégie, de financement : finalement Quimper enclenche une démarche vers le breton, mais ne persiste pas : victime d'un effet de mode ?<br /> - problème de carte scolaire, si il n'y a pas de dérogation dans le public, qu'en sera-t-il de financer le privé, et cette décision souligne la coquetterie du choix des parents.<br /> Par ailleurs, quand on se rappelle que Quimper est la "capitale" du département "100% bretonnant" et qu'on voit son engagement bien peu important (en tout cas moindre que celui de Carhaix), on imagine bien que les communes plus petites ne se sentent pas "obligées" de participer au développement du breton.
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F
Lors du débat qui a suivi la présentation du rapport l'autre jour à Cavan, un intervenant dans la salle a présenté le cas de figure suivant :<br /> Soit une commune avec une école de 3 classes, comptant un total de 54 élèves. Que se passe-t-il dans cette école si 5 ou 6 élèves migrent vers des classes bilingues dans l'école d'une autre commune à quelques kilomètres de là ? Il y aura une fermeture de classe et il n'en restera donc plus que 2 dans cette école. Les enseignants et les autres parents d'élèves ne vont pas forcément apprécier. Et le maire (qui a peut-être fait des travaux dans son école communale pour l'ouverture de la 3e classe) non plus. Cela peut être l'une des raisons pour lesquelles il ne voudra pas régler à la commune voisine la subvention due pour des élèves qui ont certes opté pour le bilinguisme, mais dont le départ provoque des difficultés dans sa propre commune.<br /> Quand j'écrivais que cette question est complexe… Comment concilier le droit à l'enseignement bilingue, les contraintes de la carte scolaire, éviter la fermeture d’une école communale ou même d’une classe  ? C'est un vrai débat.
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Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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