Je viens de lire, sur le blog, les divers hommages à Jean Le Dû que j’ai lus d’un bout à l’autre. Les propos que tiennent les différents auteurs m’éclairent sur une personnalité que je percevais sans doute en filigrane, ne l’ayant que très peu côtoyée. Ils m’éclairent aussi sur le mode de pensée des deux complices de la sociolinguistique bretonne, sujet qui est théoriquement loin de mes préoccupations, même si j’ai pu un peu en entendre parler (en bien, evel just !) lors d’une intervention de Nelly Blanchard pendant des cours du DU (Diplôme universitaire Langues et cultures de la Bretagne) du CRBC, il y a près de dix ans.

Une vision humaniste de la culture

Mais cette manière de placer la langue au niveau de l’humain, je la retrouve dans des débats que nous avons au sein du groupe de discussion d’Ar Skol Vrezoneg. Certains sont des tenants de la langue « pure », sans concession au français, en privilégiant l’emploi des mots « chimiques » inventés de toute pièce. Pour ma part, sans trop savoir ce que représente le badume, je défends la langue populaire, la langue que j’ai entendue et que parlaient les gens de mon entourage, même si je suis capable de m’adapter, dans la mesure de mes modestes moyens en breton, à des interlocuteurs léonards ou trégorrois.

Étant moi-même militant de ce qu’on appelle les « biens communs », je retrouve dans l’engagement de Jean Le Dû et Yves Le Berre, une vision humaniste de la culture en général, une cohérence avec une vision laïque de la société qui met en avant progrès humain et éducation, qui est aussi la mienne. Le recours à l’idéologie pour l’idéologie (bretonne, disent-ils) des "puristes" ne mène à rien de positif, sinon à des points de vue crispés sur un « idéal » abstrait, plutôt élitiste, me semble-t-il, où la langue devient un « truc » hors-sol, comme les tomates cultivées sous serre, uniformisé et standardisé.

Il a mis ses compétences au service du parfait inconnu que j’étais pour lui

Mais, pour en revenir à Jean Le Dû, une anecdote me permettra de lui rendre, à mon tour et modestement, un petit hommage. Quand je travaillais à la rédaction de mon livre sur les noms de bateaux du Pays bigouden, je faisais souvent des recherches au CRBC, dans la salle des journaux anciens. Pas de chance, ce jour-là, la salle était occupée. Madame Prigent m’avait dit que M. Le Dû numérisait des bandes magnétiques, mais que je pourrais travailler dans la pièce d’à côté. Je ne connaissais pas ce Monsieur, sinon de réputation.

Ayant mis en route ses enregistrements, il vient me voir, me demande quel est le but de mes recherches et me sort sa carte de visite en me proposant de m’aider dans mes traductions ! Il a tenu parole. Je lui avais transmis mon fichier de 1 100 noms de bateaux, que j’ai reçu annoté en retour. Je salue aussi son collègue Yves Le Berre, que je connaissais en tant qu’adjoint à la Culture de la Ville de Brest et qui m’a permis d’exposer à plusieurs reprises mes photos. 

Pour moi, cette initiative de Jean Le Dû révèle l’homme et son sens de l’humain, un état d’esprit qui n’est plus très courant. J’ai été très touché par cette proposition de rendre service et de mettre ses compétences au service du parfait inconnu que j’étais pour lui.

• Claude Péron. Noms de bateaux du Pays bigouden. Brest, Emgleo Breiz, 2014, 149 p.
• Photo : Claude Péron. Merci à lui pour son témoignage.