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Le blog "langue-bretonne.org"
4 mai 2014

En Avant de Guingamp et la finale bretonne

Ar skipaill 2014b

Comme il y a cinq ans, le journal L'Équipe est devenu "Ar Skipailh", hier samedi, à l'occasion de la finale de Coupe de France de football entre Guingamp et Rennes. Pour ses éditions bretonnes en tout cas, ailleurs je ne crois pas. La une du quotidien du sport, également en langue bretonne, était prémonitoire et elle aurait été encore plus pertinente ce dimanche à vrai dire, puisqu'elle s'intitulait "Hag adarre !"

Ponctuation très subtile

Je vous fais remarquer que cette expression signifiant "encore" est suivie d'un point d'exclamation : comme si la victoire de Guingamp était acquise d'avance. Le fait est que Guingamp a gagné et ce fut une belle victoire, nette et sans bavure. Guingamp en voulait, Rennes pas vraiment. Et tous les médias en parlent.

L'Équipe - Ar Skipailh avait cependant joué la prudence en sortant deux éditions bretonnes distinctes, pour ne pas se planter et accessoirement pour n'indisposer aucun de ses lecteurs bretons. L'une (pour les Côtes d'Armor et le Finistère nord), avec la photo de Mustapha Yatabaré et le titre "Hag adarre !" à la une. L'autre (pour l'Ille-et-Vilaine, le Morbihan et le Finistère sud) avec une photo du Stade Rennais et le titre "A-benn ar fin ?" : ce qui se traduit précisément par "Enfin ?".

Ce n'était ni très rassurant ni très engageant, quand on y pense. Là encore, la subtilité réside dans la ponctuation. Pourquoi donc le journal L'Équipe - Ar Skipailh a-t-il choisi un point d'interrogation pour anticiper le résultat de Rennes ? Il aurait parfaitement pu (ou équitablement dû) opter aussi pour un point d'exclamation. Ils sont forts en pronostic, à L'Équipe - Ar Skipailh.

Quelques mots de breton…

Dans mon édition locale, le chapeau de cinq lignes sous le titre à la une était également en breton. Comme il n'y a apparemment pas (j'ai failli écrire : évidemment pas) de journaliste bretonnant à L'Équipe - Ar Skipailh, la rédaction du journal a fait appel à des traducteurs patentés. En l'occurrence, Olivier Le Moign, en breton Olier ar Mogn, de l'Office public de la langue bretonne.

Sa traduction est un mix intéressant, puisqu'on peut y relever à la fois des expressions de bonne facture ("reiñ lamm" pour "faire mentir"), un emprunt manifeste au français ("pronostikoù", inutile de traduire) et des mots comme "gourfenn" pour "finale". Dans le Dictionnaire du breton contemporain qu'il a publié en 1992, Francis Favereau signale ce dernier terme comme peu connu. Il est cependant attesté de longue date, puisqu'il figure dans le Catholicon, le premier dictionnaire breton latin français, paru en 1499. Qui sait s'il ne finira pas par s'imposer dans les nouveaux medias de langue bretonne tout au moins, avec la multiplication des finales Guingamp - Rennes tous les cinq ans ?

À noter que France 2 proposait de manière un peu similaire la surimposition de quelques termes de breton sur le générique de clôture de la retransmission de la finale. Ça n'apportait rien de plus comme information, mais c'était un clin d'œil symbolique. On ne voit jamais l'équivalent sur France 3, même pas dans les émissions de France 3 Bretagne, où le breton est toujours strictement cantonné aux programmes identifiés comme étant en langue bretonne.

 

OF Finale Breizh     Tgr Guingampesque b

Dans la presse écrite

Pas de une en breton dans nos quotidiens régionaux, ce n'est ni l'usage ni l'exception. Dans son édition de samedi, Ouest-France avait cependant joué de l'opposition entre le nom breton de la Bretagne et celui du lieu hautement signifiant où allait se dérouler la finale, en titrant : "Finale de Breizh au stade de France". Assez facile.

En 2009, Le Télégramme avait fait le bilan de la première finale en évoquant "le fest-noz du siècle" : Guingamp était alors en Ligue 2. Il ne se doutait pas qu'il y en aurait un autre quelques années plus tard. Cette année, j'ai bien aimé le néologisme qu'ont inventé ses journalistes pour qualifier cette deuxième victoire de Guingamp en Coupe de France : "guingampesque". Gigantesque. On le ressortira.

"L'amour Armor", à la une de L'Équipe, fait un peu plat ce dimanche matin. Le titre "Chauds comme la Breizh", en page 4 de l'édition de samedi, se méprenait sur la prononciation du mot "Breizh" en le postulant comme ayant la même consonance que le français "braise". C'est comme la pub de Saveol pour la "Freizh" de Plougastel. L'homophonie est facile en l'occurrence, mais elle ne fait pas toujours sens.

La ferveur bretonne d'un jour

Avez-vous enfin prêté attention à l'éditorial d'Hervé Bertho dans Ouest-France dimanche de ce matin ? Vous devriez, car il y dissèque "la métaphysique du foot". C'était le jour où jamais pour le faire. "Le foot, écrit-il, ce n'est vraiment pas que du foot". Ça, on le savait assez bien. Mais il précise que c'est aussi "une fiction, un poème que les joueurs écrivent de la tête aux pieds." Ce qui est vrai.

Hervé Bertho prolonge dès lors sa réflexion sur "la page d'Histoire" (avec un grand H) que viennent d'écrire les équipes de Rennes et Guingamp et sur "l'identité heureuse des Bretons". Voyant brandir tous ces Gwenn ha du lors de la finale, il l'interprète comme l'emblème d'une unification, pour ne pas dire d'une forme d'union nationale jusqu'à présent insoupçonnée : "ce drapeau noir et blanc dit la fraternité des contraires". Comme tous les drapeaux du monde, celui-ci a aussi une fonction d'intégration. Mais ne pas se méprendre : le lieu où elle s'est exprimée fait également sens aux yeux de l'éditorialiste qui insiste  bien en conclusion sur le fait que "la Bretagne qui gagne la Coupe de France, c'est la Bretagne qui gagne en France". Reste à savoir si la ferveur aussi bretonne que sportive qui s'est affichée ce week-end peut perdurer et gagner toute une région qui n'est pas tout à fait exempte de tensions. 

Commentaires
A
En 2009, il n'y a pas qu'en Bretagne que la une était en breton (avec des encadrés en français pour la traduction). A l'époque j'avais acheté l'Equipe à Angers et la première page était en breton y compris le titre du journal (ar skipailh). Pour 2014, je ne sais pas car j'étais revenu habiter dans le Trégor en 2010.
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A
"adieu ma Bretagne, je pars pour Guingamp" et "la Bretagne compte deux départements, le Finistère Nord et le Finistère Sud!", air connu mais si vrai finalement quand on gratte la couche de gwenn ha du !
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F
Le Gwenn ha du, le Bro goz...Ca ne réussit pas aux Rennais, amateurs de galettes saucisses, toute cette symbolique bretonne. <br /> <br /> Trop de Breiz touch, et la saucisse brûle! <br /> <br /> N'importe quel amateur de barbecue sait ça.
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Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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