« The quiet girl » : le film en gaélique irlandais qui surprend et qui cartonne
Ne pas se fier aux apparences. Ce film, sous-titré en français, est diffusé en France et sans doute ailleurs sous un titre en anglais : c’était probablement le bon moyen d’attirer l’attention des cinéphiles qui ne savent pas forcément qu’on parle en Irlande une autre langue en sus de l’anglais : le gaélique. Bien qu’étant beaucoup moins parlé que l’anglais, il en est pourtant la langue officielle.
Le titre original en gaélique est d’ailleurs « An Cailín Ciúin ». Et au cas où vous ne le sachiez pas encore, c’est le premier long-métrage de cinéma tourné en gaélique. Son réalisateur, Colm Bairéad, s’en étonne lui-même dans Télérama : « Un film irlandais montré partout dans le monde, on n’avait jamais vu cela ».
Un événement linguistique
« Ce superbe mélodrame familial » a été plusieurs fois distingué à l’international (voir l’affiche) : il été notamment nominé pour le meilleur long métrage international à la 95e cérémonie des Oscars. L’hebdo télé ne manque pas d’observer que cet événement cinématographique « a aussi un étonnant retentissement linguistique » en Irlande même.
Colm Bairéad le reconnaît lui-même : jusqu’à présent, déclare-t-il, « notre langue a très peu résonné dans les salles obscures. Il a toujours été considéré que faire des films en gaélique était une impasse commerciale ». Vu le succès de « An Cailín Ciú », de nouveaux projets de films en gaélique sont d’ores et déjà à l’étude.
Un événement filmique
À Brest, les Studios sont le seul cinéma à projeter le film. Je suis allé le voir ce samedi en fin de journée : la salle était bien remplie. Ce n’est pas parce qu’il a été tourné en gaélique que tous ces spectateurs se sont retrouvés dans cette salle. « The quiet girl » est un très beau film social et sonne juste de bout en bout. Ce film de silences qui disent tout et que le réalisateur filme comme autant de suspenses tient le spectateur en haleine de bout en bout jusqu’à la séquence finale.
Cait est le prénom d’une adolescente de 12 ans, merveilleusement incarnée par Catherine Clinch : quelque peu mutique, elle comprend tout. Son père, accro à l’alcool, et pas seulement, claque son argent aux jeux, jusqu’à la valeur de sa plus belle génisse. Sa mère va une nouvelle fois accoucher. Ils la placent pour l’été à trois heures de route chez une cousine. Elle arrive sans la moindre valise et découvre un habitat qui n’a rien à voir avec la misérable maison de ses parents, une ferme bien tenue, un mode de vie humain tout simplement.
Ses parents adoptifs ne sont pas volubiles non plus, mais ils sont attentionnés. Eux et Cait apprennent à se connaître tout doucement. Cait ne découvre leur histoire familiale, tragique aussi, que par les commérages d’une voisine. Ils savent l’impliquer dans la vie de la ferme pour des travaux qui ne la rebutent pas et pour des tâches à la portée d’une enfant, comme aller chercher de l’eau à la fontaine ou relever le courrier en courant plus vite à chaque fois.
« The quiet girl » est un beau film d’émotion et d’apprentissage sensible. ll s’inspire d’une nouvelle de l’écrivaine d’origine irlandaise Claire Keegan, « Les trois lumières », traduite en français par Jacqueline Odin et parue chez l’éditeur Sabine Wespieser.