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Le blog "langue-bretonne.org"
4 juin 2023

Quand Le Télégramme fait sa publicité en breton… à Rennes

Gare de Rennes - 1

Vous n’êtes peut-être pas de ceux qui transitent tous les jours par la gare de Rennes, moi non plus. Mais ça m’arrive de temps à autre. Quand j’y suis arrivé le 23 mai, je ne l’ai pas vue : on ne capte jamais tous les messages visuels ou autres qui vous sollicitent dans un lieu aussi immense. Quand j’ai voulu prendre le train du retour le lendemain, ça a fait tilt : une pub en breton à l’entrée de la gare de Rennes, je n’en avais jamais vu et, là, il y en avait une. Bilingue, certes, mais avec du breton. Et c’est le quotidien Le Télégramme qui fait ainsi son autopromotion. Du jamais vu de sa part.

  • Photo ci-dessus : FB. Autres illustrations : DR.

La présence du breton dans la capitale régionale

Ça m’a donc surpris. Car, si l’on trouve Le Télégramme à acheter en gare de Rennes et peut-être ailleurs, il n’a pas d’édition rennaise à ma connaissance : Rennes est le territoire d’Ouest-France. Pour ce qui est du breton, je sais que 2 % des 15 ans et plus y parlent le breton (contre 4 % à Brest et 0 % à Nantes, sondage TMO Régions, 2018), que des institutions (université, enseignement, médias…) et que des associations ou des réseaux de plus ou moins forte notoriété sont basés dans la capitale régionale. Le département d’Ille-et-Vilaine prépare d’ailleurs son plan de politique linguistique en faveur du gallo et du breton, à l’instar de celui qu’a adopté le Finistère pour le breton. Serait-ce une raison suffisante pour y faire de la publicité bilingue ?

Je fais une petite digression qui n’est pas sans intérêt. Car ce qui avait marqué le Dr Gabriel Le Menn, un bretonnant originaire de Dinéault qui s’en alla du Finistère faire ses études de médecine à Rennes, c’est que personne n’y parlait le breton (témoignage personnel). Devenu médecin des hôpitaux toujours à Rennes, autour des années 1960, dans un nouveau service de neurochirurgie, il y était aussi interprète quand il le fallait, car il était… le seul bretonnant dans ce service « gallo ». Nommé à la Faculté de médecine de Brest en 1968, il en deviendra ensuite le doyen.

AP_DP_FU_256x175mm_Bigoudene_punk

Rennes, porte d’entrée de la Bretagne

Je reviens à la publicité bretonne du Télégramme à l’entrée de la gare de Rennes. J’ai pu m’entretenir à ce sujet avec Jérôme Podevin, directeur Communication du Groupe Télégramme, au siège de Morlaix. « La raison pour laquelle on l’a fait ? Parce que c’est une porte d’entrée de la Bretagne. De plus, sur les portes d’entrée [de la gare], tous les panneaux sont déjà en français et en breton. On s’est dit : nous, on va faire comme la SNCF, en français et en breton ». Si ce n’est qu’il a fallu se mettre d’accord avec la SNCF et son afficheur, car en ce domaine tout est codifié.

Ceci étant, la campagne de promotion du Télégramme se veut à la fois innovante et humoristique tout en se positionnant à la fois sur l’actualité régionale et sur l’international. Le message nous est transmis par un texte concis et assez simple, qui s’impose d’emblée : « Les pieds en Bretagne, les yeux sur le monde ». Le Télégramme se positionne ainsi comme un média incontournable qu’aucun Breton ne devrait ignorer. Au lecteur potentiel de passer à l’acte d’achat et de se procurer le journal au quotidien, s'il a été convaincu

Le visuel en adéquation avec le slogan écrit

Si ce n’est que le message est exprimé sur un mode binaire, qui conforte certes le lecteur sur sa double appartenance régionale et internationale, mais qui occulte du même coup l’échelon national. C’est un renversement de perspective par rapport à ce qui a longtemps été l’approche éditoriale du Télégramme dans l'après-guerre.

Le visuel vient renforcer le message. En gare de Rennes, ce sont des éoliennes qui semblent souffler sur l’invraisemblable coiffure jaune de Donald Trump : c’est presque surjoué. À côté d’une Bigoudène incontournable en coiffe, la photo d’un punk de festival, par exemple. L’authenticité supposée de la Bretagne côtoie une modernité très tendance en Bretagne même ou ailleurs dans le monde. Selon Jérôme Podevin, c’est le choc de photos qui se parlent entre elles dans une forme de jeu voulu entre celle de gauche et celle de droite.

PP_256x375mm_Drapeaux_Everest   En quête de demain Tgr 2023-05-31

Plus de breton dans Le Télégramme ?

Au vu de l’affichage bilingue à l’entrée de la gare de Rennes, je me suis demandé si cette campagne de promotion n’annonçait pas en même temps de nouvelles initiatives du journal en matière de langue bretonne. Jusqu’à présent et depuis de nombreuses années, Le Télégramme consacre une page entière au breton une fois par semaine, le jeudi, avec un rédactionnel conséquent intégralement en breton. Comme le journal est un quotidien, je me suis toujours demandé s’il ne pouvait pas proposer, non pas une page hebdomadaire, mais pourquoi pas une page quotidienne en breton. France 3 Bretagne tout comme France Bleu Breizh-Izel diffusent bien des journaux audiovisuels au quotidien.

Je crois comprendre que ce ne devrait pas être le cas. Déjà, l’affiche de la gare de Rennes est la seule à être bilingue, les autres étant uniquement en français : l’opération m’a été présentée comme étant un clin d’œil, sans plus, à l’égard de la SNCF (qui a des panneaux en breton dans la plupart des gares). Par ailleurs, cette campagne d’autopromotion paraît être en lien avec une autre opération conduite simultanément avec 50 autres titres de la presse quotidienne régionale pour mettre en avant les contours d’une France déjà en transition et en quête de demain, ce qui n’est pas sans intérêt par ailleurs. 

Affaire à suivre ? 

Commentaires
M
On a le droit d'avoir un avis divergent? Je le donne quand même. Ca ne m'emballe pas, et voilà pourquoi. En termes de géopolitique et de mondialisation du 3e type, il n'y a rien là qui soit susceptible de surprendre qui que ce soit: dans cette campagne, tout est bidon. C'est de la contre-culture libérale-libertaire (tendance woke) dans un processus qui fait de la région la courroie de transmission de la mondialisation néolibérale (ou financière). D'ailleurs tout le lexique l'indique: "monde", "mondial", etc. L' "échelon national" est court-circuité, puisque c'est l'objectif même! La folklorisation artificielle et la farce punk (no future, c'est l'avenir?!?), sur plan d'égalité, sont là pour réduire à néant les réalités humaines. Toute ma famille est originaire de Rennes et de sa région. Mon grand-père, qui était de Janzé, avait travaillé comme garçon de ferme dès l'âge de 12 ans. Il n'a jamais parlé breton de sa vie. On ne parlait pas breton à Rennes, ni à Janzé ni à Thourie ni dans aucun endroit de la région, même parmi les paysans. Le grand-père en question, d'ailleurs, racontait que les habitants de Janzé étaient surnommés les "Loûs" (traduction française? les Loups - quel écart linguistique!) Bref, aucune raison de s'exalter, en l'occurrence.
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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