Le plus connu des écrivains bretons du XXe siècle est décédé il y a vingt-quatre ans, le 13 août 1995. C’est cette date anniversaire qu’a choisie le quotidien Ouest-France pour annoncer ce mardi en dernière page et en forme de scoop la découverte des derniers poèmes qu’avait rédigés Pierre-Jakez Hélias avant sa disparition.
Je m’attendais à quelque chose, puisque l’une des auteures de l’article, Flora Chauveau (avec Emma Deunf), m’avait contacté il y a trois semaines pour des renseignements le concernant, sans pouvoir m’en "dire plus pour le moment", m’indiquait-elle mystérieusement, tout en me promettant que ce serait "passionnant". J’ai donc patienté tranquillement que s'achève l'enquête, en lui faisant remarquer que c’est le propre des (grands) écrivains qu’on ne cesse de découvrir d’autres facettes de leur histoire ou de leur personnalité post mortem.
Ces poèmes, au nombre d’une quinzaine et presque tous en français, sont ceux qu’Hélias a écrits lors de son dernier séjour à l’hôpital, à l’encre bleue sur de grands feuillets et qu’il a offerts au jour le jour à Nicole Guiochet, alors cheffe du service d’oncologie de l’établissement, aujourd’hui en poste dans le sud de la France. Ils avaient été exposés à l’hôpital après son décès et lus lors d’un congrès de cancérologie. Depuis, personne n’en avait entendu parler, jusqu’à ce que la médecin ne les ressorte de l’oubli pour une présentation en petit comité lors du dernier Festival de Cornouaille.
Dans Ouest-France, Nicole Guiochet témoigne de son émotion d’avoir accompagné l’écrivain pendant sa maladie. Pour son témoignage et pour la reproduction de quatre des poèmes, dont un bilingue, français et breton, l’article vaut d’être lu. Une biographie succincte présente l’itinéraire de celui qui naquit Pierre Hélias à Pouldreuzic en 1914 et qui deviendra Pierre-Jakez Hélias (et Per-Jakez Helias en breton) après la dernière guerre. Comme c’est souvent le cas, on cite quelques-uns de ses titres en français, dont l’incontournable Cheval d’orgueil, mais aucun de ceux qu’il a publiés en breton. On ne présente non plus aucun de ses ouvrages de poésie, géneralement rédigés dans les deux langues, et c'est un peu dommage. Il est vrai qu’il a été bien plus lu en français que dans sa langue première.
au sujet du scoop de Ouest-France avec les poèmes inédits de Jakez-Hélias, je me permets de vous dire que, sans mon intervention à l'occasion du "Cornouaille Littéraire" que j'anime avec deux autres collègues poètes pendant le Festival de Cornouaille, jamais ces textes n'auraient vu le jour.
Je vous explique: il y a quelques mois, un ancien cadre de l'hôpital Laénnec de Quimper m'a confié les doubles de ces textes écrits de la main de Jakez-Hélias.
Lors du Cornouaille Littéraire, fin juillet, dans la cour du restaurant Chez Max (maison de la famille de Max Jacob et Maison des illustres), j'ai décidé de dévoiler ces poèmes en les lisant au public présent et cela à l'occasion d'un hommage que nous rendions, à plusieurs voix, au poète bigouden. Une correspondante de Ouest-France était présente, elle en fait part à sa rédaction et, aussitôt Flora Chauveau s'empare de l'affaire "juteuse". Après enquête elle se met en contact avec les ayant-droits de Hélias et parvient à retrouver la trace de cette dame médecin qui ne semblait pas vouloir mettre au jour ces poèmes inédits.
Le problème, s'il en est un, est que Ouest-France a "oublié" de me citer dans cet article ainsi que les circonstances (Le Cornouaille Littéraire) qui ont permis la révélation de ce scoop. De plus, la filiation littéraire entre Jacob et Hélias aurait pu être évoquée ainsi que la lecture symbolique dans la cour de Chez Max.
Bien cordialement.
Louis Bertholom, poète, écrivain et homme de scène.