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Le blog "langue-bretonne.org"
7 avril 2013

Parler breton à Plougastel-Daoulas

Sara Mollura, une étudiante de l'Université de Bologne en Italie, a séjourné à Brest au printemps 2012 dans le cadre de sa thèse de master, qu'elle a soutenue avec succès à la fin du mois de juin. Comme il est d'usage en Italie, on lui a remis une couronne de lauriers à l'annonce du résultat !

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Sara Mollura avait choisi de mener une recherche en sociolinguistique sur la langue bretonne, en conduisant une enquête de terrain à Plougastel-Daoulas (voir message du 16 avril 2012). Les résultats de son enquête viennent de paraître dans le dernier Bulletin de la Société archéologique du Finistère (tome CXL, 2012) sous le titre "Parler breton à Plougastel-Daoulas". En voici les principaux résultats.

S. Mollura a interviewé 72 personnes, des bretonnants et des non-bretonnants. 63 % sont de sexe masculin et 38 % de sexe féminin. L'âge moyen est 50 ans (ce qui correspond à l'année de naissance 1962). Il est important d'observer que l'échantillon étant restreint, il n'est pas représentatif de la population de Plougastel-Daoulas. Les résutats de l'enquête corroborent ou renforcent cependant les éléments déjà connus sur la pratique du breton et les représentantions qui lui sont liées. 

La première partie du questionnaire

Elle avait pour but d’appréhender la compétence en breton des personnes interrogées.

  • 36 % le comprennent (25 % très bien et 11 % assez bien). Le taux de connaissance passive est nettement plus faible que celui de 52 % observé par M. C. Jones en 1994.
  • 32 % disent être à même de le parler (26 % très bien et 6 % assez bien), 33 % connaissent juste quelques mots et 35 % ne la parlent pas du tout. Par rapport à l’enquête de 1994, le taux de locuteurs est exactement le même, ce qui est bien évidemment une surprise. C'est aussi beaucoup plus que le dernier sondage de 2007 (13 % de locuteurs en Basse-Bretagne).

La deuxième partie du questionnaire 

Elle permet de tester l'utilisation de la langue par ceux qui la connaissent. Or, personne n’a indiqué qu’il s’exprime d’habitude en breton, alors que 90 % ont répondu qu’ils ne s’expriment habituellement qu’en français. 10 % admettent qu’ils s’expriment dans les deux langues.

  • En pratique, la langue bretonne est rarement utilisée au sein de la famille. Les cafés, avec sans doute les lieux de rencontres des personnes du troisième âge, sont les seuls endroits où l’on peut toujours rencontrer quelqu’un qui parle breton, mais ce sont des personnes âgées. 
  • De nombreux bretonnants ne parlent le breton qu’avec ceux dont ils savent bien qu’ils sont eux-mêmes des locuteurs. À Plougastel-Daoulas, le choix de la langue dépend beaucoup du contexte et l’usage du breton se limite à la sphère de l’informel. 2 % seulement déclarent parler spontanément le breton dans les moments de colère.

Les raisons de parler le breton sont très diverses, et notamment le fait qu’il est la langue première pour plusieurs de ceux qui le savent. Pourtant, seuls 10 % des personnes interrogées le désignent comme leur langue maternelle, alors que le pourcentage de ceux qui indiquent le français s’élève à 83 % et que 7 % mentionnent l’un et l’autre comme ayant été leurs deux premières langues.

Les locuteurs se partagent pour moitié entre ceux qui estiment être en mesure de s’exprimer sans problème en breton dans la vie courante (52 %) et ceux qui ne l’utilisent de fait que pour quelques phrases, quelques mots ou pour des blagues (48 %). À cet égard, les Plougastels ont plutôt l’impression de parler « le bon breton ».

La troisième partie du questionnaire 

Elle visait à mesurer les raisons de parler le breton et l'attachement à la langue. Dans leur très grande majorité, les bretonnants sont fiers de parler leur langue et les habitants de Plougastel-Daoulas sont favorables à la promotion de la langue bretonne : 30 % estiment que c’est une question prioritaire. Elle reste importante ou assez importante pour 56 %. Elle n’est sans importance que pour 6 %, quand 8 % se déclarent indifférents.

On observe un décalage entre le vécu des locuteurs et la restitution qu’ils en font : ils sont persuadés de beaucoup parler le breton, tout en admettant de fait que le breton n’est généralement plus pour eux qu’un moyen de communication très secondaire. Le breton s’impose pour toute prise de contact ou pour établir une complicité entre personnes de connivence, il ne semble plus être la langue dans laquelle on disserte sur l’avenir du monde.

Dupont Patricia (1 sur 1)

Les plus jeunes ne montrent aucun intérêt pour une langue dont ils ne connaissent rien. Mis à part les militants qui ont le plus fort taux d’attachement à la langue, à Plougastel-Daoulas comme ailleurs, le profil type du bretonnant est aujourd’hui celui d’une personne âgée. Dans ce contexte, il n’est pas aisé de s’adresser en breton aux nouvelles générations.

Lire l'intégralité de l'enquête de Sara Mollura dans le tome CXL du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, qui vient de paraîtreJ'ai remis des tirés à part de l'article à Patricia Dupont, directrice de la Médiathèque de Plougastel-Daoulas et ils peuvent donc être consultés sur place. Un exemplaire de la thèse de Sara Mollura, intitulé "Biiinguismo e diglossia in Bassa Bretagna" (175 pages) a par ailleurs été déposé à la bibliothèque du Centre de recherche bretonne et celtique, à l'UBO, à Brest.

BSAF CXL

De nombreux autres articles figurent au sommaire du dernier numéro du Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, par exemple :

  • Nicolas Meynen : Images de l'arsenal de Brest au XIXe siècle
  • Bernard Lasbleiz : Julien Maunoir et la musique populaire bretonne
  • André-Yves Bourgès : "Un saint de papier". Corentin au travers de son dossier hagiographique
  • Kathy P. Carter Van Horn : Aliénor de Bretagne, une héritière entre Richard Cœur de Lion, Jean sans Terre et Henri III
  • Bertrand Yeuc'h : Les barons aux états de Bretagne, du XIIIe siècle à la Révolution
  • Jean-Pierre Thomin : Barthélémy Kerros (1727-1805), un destin singulier
  • Jean-Louis Autret : Nouveaux documents relatifs à la bataille de Kerguidu du 24 mars 1793
  • Yannick Lageat : Le communeux Élisée Reclus dans les geôles finistériennes.

Le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère paraît une fois par an, sous la forme d'un beau volume illustré : le tome CXL fait 526 pages. On peut le commander directement au siège de la société : 8c, rue des Douves, 29101 Quimper cedex, tél. 02 98 95 08 21. Site internet : www.lefinistere.org, mais le sommaire complet des derniers numéros n'est pas fourni.

Commentaires
Le blog "langue-bretonne.org"
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Votre blog est impressionnant autant sur le fond que sur la forme. Chapeau bas !
Un correspondant occitan, février 2020.

Trugarez deoc'h evit ho plog dedennus-kaer. [Merci pour votre blog fort intéressant].
Studier e Roazhon ha kelenner brezhoneg ivez. Miz gouere 2020. [Étudiant à Rennes et enseignant de breton. Juillet 2020].

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